Il y a un an, nous rencontrions live Karras lors de leur tournée avec les terribles Blockheads (cf. notre sympathique interview croisée). Son frontman Diego Janson (ex-Sickbag) nous parlait alors déjà du successeur de None More Heretic (Verycords) qui était dans les tuyaux. Si le premier album, sorti en pleine pandémie, ne put être défendu scéniquement qu’en 2022 lors de cette tournée nationale fracassante, l’infernal trio français, avec pour rappel dans ses rangs également le guitariste Yann Heurtaux (Mass Hysteria) et le batteur Etienne Sarthou (ex-Aqme, Deliverance), a bien la ferme intention maintenant d’aller plus loin grâce à sa seconde bombe de death/grind aux doux accents crustcore, baptisée We Poison Their Young, inspirée du fait divers qui donna naissance au livre puis au film culte L’Exorciste. [Entretien réalisé avec Diego Janson (basse/chant) par Seigneur Fred – Photos live : Seigneur Fred ; autres photos : DR]
Votre second album vient tout juste de sortir car nous sommes au lendemain de sa sortie officielle. Déjà, comment vis-tu la chose et quelles sont les premières réactions que tu as pu lire sur internet ?
Ouais, c’est tout frais car ça date que d’hier mais justement, j’étais en train de regarder là sur internet, sur les posts mis sur les réseaux sociaux (sur Instagram, Facebook, etc.) pour le nouveau vidéo clip (Ndlr : « Negative Life »), et ça va bien. Ça parle, les commentaires sont sympas. En général, les gens trouvent ça cool, donc c’est bien. De mon côté, j’ai envoyé aussi beaucoup de préventes pour la France, environ une cinquantaine, donc ça aussi c’est plutôt pas mal.
Ce n’est pas votre nouveau label américain, M-Theory Audio, qui s’en occupe de ça ?
Non, pour Karras en France et en Europe, c’est moi qui m’en occupe. Et le label, lui, gère tout ce qui est Etats-Unis et reste du monde. Par exemple, il y a eu aussi des commandes en Thaïlande, etc. Moi je gère donc que les commandes européennes, mais bon il faut savoir que 80% des commandes, je dirai, étaient françaises… (sourires)
Oui, ce qui se comprend car vous êtes un groupe français et votre premier album None More Heretic est sorti sur le label français (Verycords)… Le fait de changer de label pour ce nouvel album We Poison Their Young va vous ouvrir à présent d’autres portes et une plus grande visibilité, promotion, et distribution à l’étranger, notamment en Amérique du Nord où est basé M-Theory Audio, non ?
En fait, le premier album None More Heretic était sorti chez Verycords uniquement en France pour nous aider à l’époque à notre lancement, puis on envisageait une exportation à l’étranger, mais avec le covid-19, cela ne s’est pas fait et on s’est cantonné à la France, donc on n’a pas pu jouer de suite en concert ni en France ni à l’étranger, et ensuite en 2022 on s’est produit uniquement en France, avec Blockheads donc, et à divers fests. (Ndlr : Firemaster à Châteauroux, Hellfest From Home 2021 à huis clos, etc.) On commence d’abord par la France, forcément, car c’est notre pays, après ça va venir. Il faut un peu de temps, tu sais. On va voir avec le label. En Europe déjà ici, j’ai des commandes du nouveau disque et de merchandising en provenance de Croatie, d’Allemagne, du Danemark, etc.
C’est drôle car il y a pile un an, nous nous rencontrions à L’Astrolabe d’Orléans pour un face-à-face mémorable entre toi et Xav, chanteur des Blockheads, lors de votre tournée commune Grind To The Void 2022 qui fut tout bonnement géniale. Je me souviens encore de vos concerts à chacun, c’était mortel ! Quelle folie sur scène et dans le pit ! (cf. live report) Quel(s) souvenir(s) en gardes-tu de ton côté ?
Bah, écoute, c’était génial, en effet. Personnellement, je connaissais les Blockheads d’avant, c’est-à-dire d’il y a une vingtaine d’années car avec mon ancien groupe (Ndlr : Sickbag), on avait joué pas mal de fois en première partie des Blockheads, et aussi les Nasum et Napalm Death… Il faut dire que c’est un vieux groupe né au milieu des années 90 de mémoire. Donc moi je connaissais donc déjà tout leur potentiel scénique par ce fait ! (rires) Les autres de Karras, alors Etienne (Sarthou : batterie, ex-Aqme, Deliverance…) et Yann (Heurtaux : guitares, Mass Hysteria) ont découverts à ce moment-là les gars de Blockheads et il y a eu une super connexion. Tu l’as vu à Orléans, et tu les connais, ce sont vraiment des chouettes types, humbles. Ils sont là pour la musique et le plaisir avant tout. À côté, ils ont un boulot, artistique ou dans le social, bref, l’humain avant tout. De toute façon, Je savais qu’humainement cela allait bien se passer, et ça s’est très bien passé. Il y a eu de très bonnes dates, notamment à Orléans, mais le pire était dans l’est de la France, par chez eux, à Nancy, tout ça c’est leur fief, et là c’était le feu véritablement tous les soirs… (sourires)
Mais Karras s’est-il déjà produit en dehors de la France jusqu’à présent ?
Non. On était justement en lien avec un tourneur en début d’année pour partir sur une seconde tournée dès octobre là, mais en Europe cette fois. Cela aurait dû se faire cette année, donc là. Tu sais, ce genre de choses se prépare au moins six mois en amont. Et ça ne s’est pas fait. En février c’était ok, tout cela s’est fait à distance avec le tourneur, par visioconférence. On aurait commencé par le nord de la France, puis Belgique, Hollande, Allemagne, ce petit carré là. Et puis mars passa, avril arriva et nous n’avions plus de nouvelles ni d’explications. En mai, Xav’ (Blockheads) m’appelle car lui non plus, aucune nouvelle… Après je me suis dit que c’était peut-être le genre de pavé, de package si tu veux, que le tourneur te donne une fois tout bouclé, mais là on ne savait rien, aucune avancée… En fait, en juillet, là le tourneur nous a dit qu’il n’avait pas réussi à trouver assez de dates et des salles dans ce qu’on voulait faire. Donc ça ne se fait pas pour cet automne. Bon, du coup, on est un peu déçu, car on n’a pas vraiment eu le temps de se retourner sans savoir car on pensait que ça allait se faire, et puis on n’a pas eu de discussion, si tu veux, donc on est un peu frustrés de ne pas jouer là en concert alors que le nouvel album sort… Donc là on retravaille pour l’année prochaine maintenant, pour des dates en mars/avril 2024, c’est-à-dire dans six mois…
Vous n’avez donc pas participé à des festivals cet été en France ou ailleurs ?
Non. On y travaille aussi pour l’an prochain du coup. On avait fait le Hellfest From Home en 2021, sans public… Mais par contre, tu sais que l’on a eu une opportunité pour que Karras vienne jouer au festival Motocultor, après Deliverance, mais on a refusé car ça faisait un peu trop pour Etienne qui joue dans les deux groupes et qui doit un minimum se concentrer et se préparer entre Deliverance et Karras, surtout qu’il n’occupe pas le même poste : à la batterie dans Karras, alors qu’il joue de la guitare dans Deliverance. Il a besoin de s’échauffer entre les deux prestations. Mais un jour on le fera certainement. Et Etienne sera prêt s’il faut jouer deux sets avec les deux groupes le même jour car il est très pro là-dessus et appliqué.
L’idéal pour Karras serait de partie en tournée à l’étranger en première partie d’un gros groupe de death metal ou de grindcore, non ?
Idéalement, oui, ce serait cool de pouvoir ouvrir pour un groupe cool, européen ou américain, je cite par exemple, au hasard, Obituary… (sourires) Le problème de ce genre de tournée, c’est que les promoteurs proposent des plateaux de quatre groupes généralement, et il n’y plus de première partie seule. Donc déjà, faut trouver les contacts et arriver à s’incruster pour faire partie du plateau quand la tournée se monte. Mais c’est faisable. Regarde, le groupe français Hangman’s Chair l’a bien fait l’an dernier avec Paradise Lost pour une tournée européenne. Et ce ne sera pas des grandes salles mais des clubs plutôt, on en est bien conscient, ce qui nous convient bien de toute façon… Mais ça va être plus facile maintenant que l’on sort ce deuxième album en dehors de la France grâce à M-Theory Audio qui nous exporte commercialement. On obtient déjà des interviews et chroniques à l’étranger avec la promotion car j’ai fait des interviews pour des magazines allemands par exemple. Ça va se faire le bouche-à-oreilles, ça va prendre un peu de temps. Et puis ce sera une tournée d’une dizaine de dates, pas plus, car après on est loin de nos familles, et puis on s’use un peu. Rien ne sert de partir des mois et des mois car on a tous une vie personnelle familiale, et puis cela a un coût financier aussi
Je reviens encore sur la tournée 2022 avec Blockheads qui fut si mortelle… Au concert d’Orléans, ce n’était pas Yann à la guitare, mais un certain Nico du groupe Cryst qui le remplaçait. On était un peu déçu au départ, mais Nico a fait un sacré boulot malgré la pression qu’il devait avoir. Est-ce uniquement un guitariste de session live ou fait-il partie officiellement de Karras ?
Non, en fait Nico remplace Yann quand il n’est pas disponible ce qui était le cas à Orléans car Mass Hysteria jouait ailleurs le même soir. Il fait partie du groupe Cryst que je connais bien. C’est un super mec en plus, humainement parlant. On a convenu ça avec lui. Alors au départ ce n’était pas évident pour Nico car nous trois, on a l’habitude de jouer ensemble, Etienne, Yann et moi. Donc il ressentait un peu de stress mais après, il s’est vite lâché dès le second concert. Il a vraiment assuré.
Avez-vous invité Nico à jouer quelques riffs de guitare ou apposer un solo sur un morceau du nouvel album intitulé We Poison Their Young ?
Eh non, puisque le deuxième album était déjà composé et enregistré quand on il a commencé à nous rejoindre dans Karras pour jouer en live sur la tournée à l’époque en octobre/novembre 2022, quand Yann nous a prévenus qu’il ne pourrait pas assurer certains shows avec Karras. Donc non, il n’est pas invité et il n’y a d’ailleurs pas d’invité sur We Poison Their Young. Par contre cette fois, c’est bien Yann de Mass qui a enregistré toutes les parties de guitare contrairement au premier album où je m’en étais chargé. Par contre, sur le premier, None More Heretic, un copain parisien était venu chanter dessus. C’était George Balafas, chanteur de Mauvaise Foi, et qui a autrefois joué en tant que guitariste dans Drowning, groupe de death metal français de la fin des années 90.
Oui, je connais, je l’avais rencontré au Fury Fest en 2003 ou quelque chose comme ça ! Aucun nouvel invité donc… C’est dommage car c’est monnaie courante dans le grind ou le crustcore. Pourquoi ne pas avoir invité les gars de Karras pour un duo avec Xav ou avec l’un de leurs deux gratteux ?
Bah, là encore, on n’avait pas encore tourné avec eux ! L’album était déjà prêt. Je les connaissais un peu mais pas Yann ni Etienne encore. Et puis là, ce n’était pas le cadre sur We Poison Their Young, tout simplement. Quand tu invites quelqu’un sur une chanson, il faut se connaître, c’est comme une famille, sauf si tu veux faire un coup marketing avec une pointure. Mais pourquoi pas à l’avenir…
Concernant la problématique d’un remplacement d’un des musiciens de Karras sur scène, cela va certainement se reproduire, surtout que Mass Hysteria s’apprête à publier son second volet de Tenace cet automne et partir en tournée un peu partout dans l’Hexagone cet automne/hiver. Et ça peut aussi arriver avec Deliverance qui commence à décoller et que l’on a pu voir au festival Motocultor dernièrement cet été 2023. Peut-être qu’il faudra trouver alors aussi un remplaçant à Etienne à la batterie…
Figure-toi que c’est ce qui va arriver au festival Tyrant Fest le 21 octobre prochain à Oignies (62). Deliverance joue à 17h00 et Karras enchaînera ensuite à 19h00. On a juste demandé une pause importante entre les deux, donc on aura 1heure entre les deux une fois le premier concert effectué. Là ce sera une première pour Etienne à la batterie (et donc à la guitare dans Deliverance). Il est capable de le faire, je n’ai aucun doute là-dessus. Il a juste besoin de se mettre dans sa bulle et de s’échauffer pour chacun des deux concerts afin de se préparer car il est très protocolaire, tu sais. Quand on change de monde, il faut prendre ses repères, passe de la guitare à la batterie, il faut un peu de temps mais ça va le faire. En plus, Deliverance commence à monter comme tu dis, et c’est plus facile de jouer, je pense, avec Karras : c’est plus les mêmes jauges de salles de concerts, un public plus extrême, oui, et plus noir…
De même, Karras pourrait-il ouvrir pour Mass Hysteria sur quelques dates de concerts ? Comment vois-tu les choses ? Techniquement ce serait possible ? Connaissant Yann, il ne dirait pas non en termes de challenge… Après, c’est peut-être pas le même public metal…
Alors on en a déjà discuté, on aimerait bien, mais bon, moi personnellement je ne suis pas très chaud car tout dépend les conditions. Et puis, tu sais, Yann n’est pas très à l’aise pour enchaîner les deux concerts, chose que je peux comprendre, car c’est deux univers super différents tout de même. Mais forcément, cela arrivera peut-être que par exemple dans un festival, les deux groupes jouent le même jour. Enfin comme tu dis, au niveau des styles de musique, même si on a quelques fans de Mass Hysteria en commun, forcément, avec Yann, on n’est quand même aux antipodes. Il y a un fossé entre Mass et Karras. Mass Hysteria, c’est plus lumineux, même si je respecte tous les publics et groupes.
Mais le public de Mass Hysteria est très large pourtant ?
Oui, tout à fait, et tout peut se mélanger de toute manière, tout est mélangeable en concert, en festival. c’est pour ça d’ailleurs que l’on en voit certains à nos concerts, mais ils viennent plus voir Yann, le guitariste et membre de Mass, et non pas forcément le groupe Karras, enfin je caricature un peu, bien sûr… (sourires)
Quel super trio infernal vous formez, tout de même, au sein de Karras ! Car vous avez tous vos compétences et qualités, ce qui donne un super groupe, tant sur disque qu’en live !
Ouais, merci. AU départ, on n’avait pas prévu tout ça. Quand on répète ensemble, tout de suite, ça se voit, ça se sent, les gars, Etienne et Yann, sont de vieux briscards. Ils sont sur la scène depuis longtemps et sont très pros. Ils sont pas là pour déconner et veulent faire les choses bien, tout en prenant du plaisir. C’est vraiment agréable de jouer ensemble. Et puis les gars me laissent gérer le groupe, étant donné qu’ils ont déjà leurs autres propres groupes où ils sont ou ont été tellement leaders : auparavant Aqme, Deliverance, et Mass Hysteria. Ça me va car j’ai l’habitude à vrai dire de gérer les groupes. J’aime bien faire ça, la promotion, la communication, organiser les choses. Du coup, j’ai une grande latitude pour gérer la promotion, le merchandising, et eux ils s’occupent de la musique techniquement, même si sur le premier album j’avais tout composé avec Etienne. Yann étant arrivé après. Ils me délèguent ça, et ça leur convient bien, car tu vois, Yann, dans Mass Hysteria, c’est lui qui prend généralement au quotidien les principales décisions et gère tout. Donc ça lui fait du bien de venir faire que de la guitare dans Karras
Parlons maintenant donc du nouvel album. Cela fait donc plus d’un an qu’il est prêt car tu nous en avais déjà parlé à notre précédente interview en 2022 lors de votre concert à Orléans. Comment son enregistrement s’est-il passé ?
Pour la musique, en fait, on a profité du confinement pour enchaîner… Comme notre premier album devait sortir le 27 mars 2020 (et on a été confiné le 20 mars 2020), alors il a été repoussé à mai 2020. Ensuite, on n’a donc pas pu partir en concert. Donc on a continué à répéter, avec les masques. On s’est dit que c’était notre façon de rebondir là-dessus, et on s’est donc mis à composer très vite ce deuxième album. Mais la différence avec None More Heretic et le nouveau We Poison Their Young, c’est que le premier avait été composé par moi et Etienne. Et sur l’enregistrement : je chantais et jouais alors les guitares, un copain faisait la basse, et Etienne la batterie, Yann étant arrivé après l’enregistrement. Il apparaissait uniquement sur les photos du groupe du premier album. Or cette fois Yann était arrivé dans le groupe. On a donc fait par la suite quelques concerts, mais rapidement on a tout composé à trois, et enregistré à trois. Il faut savoir que nous on ne maquette pas intentionnellement en studio, on fonctionne assez live. Rien n’est triggé car si on jouait au clic, ça perdrait de son charme et il n’y aurait pas cet aspect live comme en concert. Donc on a composé et il s’avère que chacun de nous a composé quatre chansons. Donc au total on avait douze chansons. On les a donc arrangées, répétées, et aussitôt enregistrées.
Mais ce second album contient treize chansons ?!
Tout à fait. Donc à ces douze nouveaux morceaux, comme on trouvait le chiffre treize plus cool pour faire la track-list, Etienne a alors proposé un treizième morceau très courts de 8 secondes qui ferait office de premier single… (sourires)
Ah oui, c’est le morceau grind « Demons Got Rhythm » ?! (sourires)
Voilà, oui. Ça sert d’interlude au milieu de l’album, une sorte de pause entre deux chansons… (rires)
Vous avez donc signé là votre « You Suffer » (Napalm Death) à vous, en quelque sorte, avec juste 7 secondes de plus que le morceau culte de Napalm Death, non ? (rires)
Exactement ça, en fait. On s’est dit : « tiens, composons un treizième morceau qui provoque un peu les gens ». D’ailleurs, ce qui était marrant, c’est qu’on l’a sorti comme premier single extrait du nouvel album et c’était intéressant de voir les réactions des gens car pour un nouveau groupe, les gens vont trouver ça un peu gonflés. C’est un peu se tirer comme une balle dans le pied… (rires)
Tu m’étonnes ! J’ai trouvé ça gonflé mais tellement énorme. Un single de 8 secondes, qui annonce clairement la couleur mais bon, il ne faut jamais juger un album à un unique single, par expérience ! (sourires)
Ouais, ça a pris les gens à rebond. Certains ont commenté sur internet en pensant qu’ils n’avaient pas toute la chanson et que leur PC avait buggé, d’autres n’ont pas compris du tout le truc et on dit « c’est quoi cette merde ? ». Enfin, des personnes ont crié au génie ! Après on a sorti un second single au forma plus « normal » une semaine après pour rassurer un peu ce qui n’aurait pas compris la blague… (rires) Même le label était un petit dubitatif.
C’est ce qui a séduit justement, je crois, le boss du label M-Theory Audio avec lequel vous avez signé ? Il a aimé ce côté spontané, live, dans vos compositions ?
Oui, Marco Barbieri. Il a bien accroché en effet sur notre album mais surtout par le Hellfest From Home suite à un simple email que je lui ai envoyé. Il a bien aimé ce côté viscéral et rentre-dedans, je pense. On n’a pas eu de réponse des autres labels dans notre démarchage, sa seule réponse a suffi finalement. Ce gars-là fait ça pour le plaisir, l’argent n’est pas un problème souvent chez les Américains. Il a bossé au départ comme stagiaire pour Metal Blade de 1991 à 1995, puis a ouvert le bureau de Century Media américain quand le siège de Century Media a voulu s’implanter aux Etats-Unis. Il y a bossé de 1995 à 2015, je crois. A la base il est de Los Angeles mais il connait l’Europe car il a de la famille italienne. Maintenant il vit à Las Vegas et fait ça à côté de son principal travail qui est un business familial. Il signe des groupes divers et variés. Il a dans son catalogue aussi bien du pagan metal que du hardcore. Il a aussi signé des plus grands groupes de metalcore qui ont connu leurs heures de gloire dans les années 2000 : God Forbid, et Shadows Fall. Il fait donc ça à but non lucratif, pour son plaisir. Il nous laisse totalement libre dans notre démarche artistique ce qui nous convient très bien. Mais c’est quelqu’un de très professionnel, il sait rester neutre, mais tu vois toute de suite que c’est un professionnel de la musique et il connait son métier. Et il est content, je crois, de nous donner les moyens notamment là-bas en Amérique et ici en Europe même s’il est conscient que notre zone principale réside en France, forcément. Je lui fais conscience, mais même s’il nous donne des moyens actuellement, je sais qu’il les récupèrera tout ou tard en misant sur nous, et ça, c’est hyper agréable pour nous lancer à plus grande échelle.
A propos du titre du nouvel album, We Poison Their Young. Quelle est sa signification ou le message ici à travers ce titre un peu provocateur là encore ? J’ai pensé à la religion, très présente dans Karras à travers tes histoires inspirées de L’Exorciste et de l’univers du Père Karras, pour dire en quelque sorte, comme cela se dit souvent, que le metal a une mauvaise influence sur les gens, sur les jeunes…
Non, pas du tout. Alors il faut savoir que dans Karras, on n’exprime pas de revendications politiques, sociales, religieuses, etc. contrairement à Blockheads par exemple plus engagés socialement. Non, nous notre univers est fait de fiction. En fait, je me sens beaucoup plus à l’aise pour écrire des histoires que je chante dans mes chansons, et on ne revendique rien dans Karras. Et puis ce ne sont pas des sujets que je maîtrise bien pour tout te dire. Donc j’invente des histoires, c’est ce que j’aime faire. Et là, pour ce second album, je me suis inspiré du fait divers qui a eu lieu dans les années 1940 aux Etats-Unis. C’est ce fait divers assez célèbre qui est à l’origine du livre puis du film culte L’Exorciste. En fait, il s’agissait d’un enfant, d’un garçon précisément, issu d’une famille luthérienne. Il s’appelait Robbie Mannheim, surnommé en fait « Roland Doe » et qui fut pris de possession. Le cas fut traité par des prêtres catholiques. Cela a donc donné naissance au livre de William Blatty en 1971 mais qui se passe ailleurs, puis le film de de William Friedkin sauf que le jeune garçon, le héros, a été remplacé en fille à la fois dans le livre et le film tiré du livre paru en 1973. En fait, moi, je reprends le fait divers à ce garçon américain, car il était préposé possédé, et l’église luthérienne dans les. Et je lui invente une histoire pendant ses séances d’exorcisme…
Donc pour conclure sur We Poison Their Young car on pourrait encore en parler des heures durant (rires), ce titre ne fait pas référence à la musique metal spécialement qui influence d’une mauvaise façon la jeunesse…
Non. Dans les années 40, l’église luthérienne qui au départ a diagnostiqué ce cas aux Etats-Unis puis repris par des prêtres catholiques sous l’égide du père Karras, qui lui est un personnage de fiction par contre. Mais bon, ce que je veux dire est que dans ce milieu, à l’époque, c’était relativement strict et très conservateur. Tout le monde croyait l’enfant possédé, mais on pourrait inverser un peu les choses en se disant peut-être que ce n’était pas lui qui était possédé, mais tous les autres dans son entourage qui l’étaient finalement. C’est une question de point de vue, dirait-on… (rires) Et ce titre, « We Poison Their Young » est un manifeste en quelque sorte entre non pas l’humain et l’ordre établi, mais le poison émotionnel que ton entourage peut t’envoyer, l’influence qu’il a sur toi dès ton plus jeune âge. Tu es en fait une sorte d’éponge finalement quand tu es enfant, tu absorbes tout, tu apprends tout, et grandis avec, c’est ainsi. Tu ne choisis pas ta famille, même pas ton prénom, ni ta religion, etc. Après, attention, cela peut être à la fois en bien comme en mal… Donc tu peux être esclave de ça, de ce que l’on t’apprend, de ta propre condition et tu te constitues ainsi en évoluant. Et c’est un peu ça, cet empoisonnement dont je parle en titre ici : l’empoisonnement des enfants, dans certaines familles mal intentionnées parfois malheureusement… Et là, on se positionne en disant « We Poison Their Young », c’est-à-dire « leurs jeunes » car on se place ici du point de vue du père Karras justement, personnage central donc du livre et du film L’Exorciste.
Publicité