
Si la scène black metal francophone demeure très active de manière générale ces derniers temps, les bonnes pioches se font cependant plutôt rares, ou du moins ont de plus en plus de mal à percer tant la qualité et la quantité sont au rendezv-ous. Pionnier du genre français en Ile-de-France depuis 1994, Merrimack ressort d’outre-tombe avec cet excellent Of Grace and Gravity, fruit de leur troisième collaboration avec le label marseillais Season of Mist, succèdant ainsi à l’album Omegaphilia à la pochette provocatrice en 2017. Mais une fois encore, la formation parisienne nous prouve que le black metal est bien plus qu’une histoire de violence et de brutalité à outrance, et a choisi sobrement le noir et le blanc comme couleurs sur son nouvel artwork (comme Satyricon ou Craft le firent dernièrement afin de dénoter un peu parmi la masse des sorties).
Misant ainsi davantage sur une atmosphère noire plutôt que sur un acharnement musical technique sans âme, Merrimack satisfera sans nul doute les amateurs d’ambiance glauque et cadavérique. Pour sa troisième prestation en studio, Vestal (chant) excelle au micro. Entre cris et chuchotements, sa voix se perd dans une multitude de nuances toutes aussi efficaces et glaciales les unes que les autres (le dérangeant vidéo clip de « Sulphurean Synods »). Ses hurlements déchirants (« Dead and Distant Clamors ») renferment toute la tragédie de la nature humaine et transpercent nos âmes innocentes. Lourd de son mais aussi lourd de sens, Of Grace and Gravity prêche la mauvaise parole dans un noir parlé philosophique, « french touch » d’un album qui exige un minimum de concentration et d’écoute pour en recueillir toute la substantifique moelle. Pas de répit donc pour les affamés et avides de tendre noirceur.

« Sublunar Despondency » fait cependant office d’exception à la règle que semble avoir imposé Merrimack depuis deux albums déjà. Ce vilain petit canard s’avère en effet beaucoup plus proche d’un black classique à la Mayhem (tout comme « Under the Aimless Spheres » sur l’intro). La formation renoue avec un black plus « true », plus « norwegian » certes ici, mais n’en oublie pas pour autant sa marque de fabrique à savoir une ambiance noire, crasseuse et malsaine (dans le sens noble du terme ici) qui fait sa renommée depuis presque vingt ans. Le jeu puissant de la batterie, la cymbale ride qui fait sonner le glas (« Sulphurean Synods » là encore), les guitares qui bourdonnent avant de livrer leur âme au diable sont autant d’éléments musicaux qui contribuent à créer un black metal astral, voire cosmique, à l’instar d’un Blut Aus Nord mais sans le côté électro/dark/indus de son confrère. Marqué par un son « doomesque » (intro de « Embalmer »), Of Grace and Gravity s’avère en fin de compte un nouvel opus aux rythmiques lourdes, cassées et oppressantes (« Wounds that Heat »). En dérogeant à l’équation BM = bourrinage, Merrimack offre un black metal peu orthodoxe mais néanmoins d’excellente facture, entre passé et présent. Alors sortez votre plaid, l’encens ou les bougies, et préparez-vous à frissonnez ! [Louise Guillon]
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