Alors que Nile s’est produit exceptionnellement sous forme de trio au Hellfest en juin dernier à cause de l’hospitalisation de son leader Karl Sanders après leur concert au Grace Pop Festival en Belgique, voici la nouvelle et dixième offrande des Américains, évoluant désormais en quintet (lire notre interview à venir très bientôt de Monsieur Sanders effectuée après son hospitalisation). Malgré un léger passage à vide avec les albums At The Gate Of Sethu (2012) et What Should Not Be Unearthed (2015), Nile était plutôt bien revenu sur Vile Nilotic Rites en 2019. Ne pouvant ensuite tourner en 2020, pandémie oblige, son leader se permit alors une nouvelle escapade en solitaire avec son troisième effort solo Saurian Apocalypse (Napalm Rec.) en 2022. Si cela lui fut bénéfique personnellement et artistiquement, pour ce méfait 2024 de Nile intitulé The Underworld Awaits Us All, rien de vraiment nouveau sous le soleil d’Egypte, ou plutôt Râ, source d’inspiration intarissable qu’est la mythologie égyptienne en général chez le groupe de Greenville (Caroline du Sud), mais la qualité est au rendez-vous et les fans l’apprécieront. S’ouvrant sur le massif « Stelae of Vultures », on découvre le nouveau chanteur Dim Vadim Von (basse/chant), pas tout à fait inconnu pour nous, puisqu’il officie également comme guitariste dans Morbid Angel (et auparavant en live dans Incantation). Il est entouré par le guitariste Brian Kingsland, également chanteur depuis 2017, et le nouvel arrivant Zach Jeter (guitare/chant également), et bien sûr Sanders qui assure la majorité des instruments en studio mais a quelque peu délégué ici. Enregistré une nouvelle fois chez son leader aux Serpent Headed Studios à Greenville, c’est l’ingénieur du son bien connu Mark Lewis (Cannibal Corpse, Dying Fetus, Whitechapel, Chimaira…) qui s’est chargé du mixage et du mastering comme sur Vile Nilotic Rites. Il en résulte une production sonore qui manque un peu de relief du fait de l’accordage extrêmement bas des guitares et des tonalités graves des growls, mais globalement ça va, le pire étant bien souvent sur scène, en live, où là Nile pèche souvent à cause d’un son mettant rarement en valeur ses compositions alambiquées à tiroir. Tenez, le premier single au nom volontairement long et provocateur « Chapter for Not Being Hung Upside Down on a Stake in the Underworld and Made to Eat Feces by the Four Apes » fait plutôt bien ressortir le rare solo présent sur ce morceau efficace aux riffs pour une fois mémorisables. Son vidéo clip semble une version moderne de « Seasons In The Abyss » de Slayer d’ailleurs…
Sur le single plus court (1’59) et incisif, « To Strike with Secret Fang », Nile tente une attaque éclair réussie. Puis sur « Naqada II Enter the Golden Age », le batteur George Kollias (Burnt City, ex-Nightfall…) démontre toute la diversité de jeu et la vélocité du Grec, alors que les growls se montrent de plus en plus menaçants et toujours dynamiques, atout non négligeable en live. La basse se fait entendre, et le solo de guitare sur la seconde moitié de la chanson s’avère agréable à l’oreille malgré les critiques sur les techniques de shredding utilisées à outrance par Karl Sanders. La fin du morceau aurait pu cependant être raccourcie. Dans tous les cas, une brève respiration s’impose afin de reprendre notre souffle avec l’interlude « The Pentagrammathion of Nephren-Ka » où Karl Sanders nous sort sa glissentar. Le morceau suivant, « Overlords of the Black Earth » sonne très basique. Heureusement, de nombreux breaks relancent son intérêt avec un pont progressif et des chœurs féminins/masculins qui insufflent enfin ce caractère épique qui faisait quelque peu défaut jusqu’à présent alors qu’on arrive à mi-parcours de l’œuvre. Le frontal « Under The Curse Of The One God » vient réveiller les morts et fidèles d’Anubis dans ce dédale de riffs, growls et breaks en tout genre, marques caractéristiques du death metal de Nile. Les mosh parts font mal et quand c’est aussi écrasant chez Nile, on aime. Des chœurs incantatoires sous fond de cris et instruments folk shamaniques nous plongent un peu plus dans ce monde souterrain que nous présente aujourd’hui Nile.
« Doctrine of Last Things » est encore plus écrasant, avec ses rythmiques pachydermiques, avant de terribles blasts mais il manque néanmoins des soli ici. Jusqu’à maintenant, ils ont été plutôt rares (sauf sur « Naqada II (…) »). Karl Sanders et ses sbires deviendraient-ils avares en la matière ou fainéants ? On continue un peu plus de s’enfoncer dans les abymes des ténèbres égyptiennes avec « True Gods of the Desert » aux accents doomy appréciables. C’est extrêmement heavy mais plus mélodieux, rappelant un peu la période « In Their Darkened Shrines ». L’accélération terrible sur dernier tiers de la chanson fait très très mal. Les chœurs subliment cette plage sonore remarquable. Puis la chanson-titre « The Underworld Awaits us All » groove littéralement avec son riff qui cisaille sur les toms du batteur grec qui délivre là encore une prestation incroyable enregistrée à Athènes pour ses collègues américains. Un passage death/doom d’une lourdeur absolue nous enfonce encore un peu plus six pieds sous terre. Enorme. En live, si les conditions techniques sonores sont réunies, alors ça risque de faire très mal, même si ses deux solos finaux de guitare sont bien trop courts pour être notables. Enfin, le superbe « Lament for the Destruction of Time » achève cette tendance doom de fort belle manière, avec des guitares brillantes et inspirées, sans aucun chant (si ce n’est un léger chant féminin de passage au milieu du morceau) avec divers bruitages de destruction (logique). Cette dernière plage clôture ainsi un dixième opus studio réussi globalement, même si certains travers demeurent (production sonore pas toujours digeste, soli en shredding moins systématiques nombreux renforçant d’un autre côté ceux présents ici ou là…). Karl Sanders et sa bande semble en pleine forme, et comptent bien tout faire pour reconquérir leur trône sur le panthéon du death metal actuel. [Seigneur Fred]
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