A l’occasion de leur passage sonore et sonique au festival Motocultor cet été (cf. live report 2023), nous avons mis la main sur nos fidèles amis suisses de Nostromo, juste après leur concert fort réussi (comme à l’accoutumée) sur la Dave Mustage. Un an à peine après la sortie de leur remarquable et très sombre quatrième opus Bucéphale (album du mois sur Metalobs.com en oct. 2022), il était intéressant de faire le point justement sur l’après-Bucéphale, ses réactions en concert, mais aussi de connaître les projets de l’incontournable quatuor de grindcore de Genève, avec quelques scoops et surprises en bonus ! Malheureusement pour eux, ils manquèrent dans le même temps le concert de Crowbar au Motoc’. Mea culpa, les gars ! [Entretien réalisé avec Javier (chant) et Lad (basse) par Seigneur Fred – Photos live : Seigneur Fred – autres photos : DR]
Ce n’est pas la première fois que Nostromo se produit au festival Motocultor, mais c’était une première dans tous les cas ici sur le nouveau site de Carhaix. On est quelques heures à peine après votre show. Comment ça s’est passé pour vous ce concert, notamment au niveau du son ?
Jaja : Mon ressenti à chaud du concert ? Personnellement, ça va, super bon feeling. Il y avait un superbe retour des gens, on était assez attendu à vrai dire, je pense. Et vu l’horaire, il y avait bien du monde, ça c’est sûr, avec à la fois pas mal de personnes qui nous attendaient mais aussi certaines qui nous découvraient. Je suis vraiment satisfait de notre concert en tout cas car il y avait une bonne énergie, une bonne vibration.
Lad : Ouais, en début d’après-midi, comme ça, il y a eu du monde et une bonne réaction ce qui n’est jamais évident car à cette heure-là, en dernier jour de festival qui plus est, généralement, les gens commencent à fatiguer, et là, étonnamment non. Donc on est plutôt satisfait. On a eu deux fois ce genre de créneaux horaires en festival dernièrement, comme ça en début d’après-midi, en se disant au départ : « Ouais, fais chier, les gens seront pas là ou en train de grailler ». Mais non, en fait, très bien.
Et le son pour toi, Lad ? En tant que bassiste mais surtout aussi ingé son et producteur de métier, tu dois être exigent et méticuleux. Ça allait pour toi en live sur scène ?
Lad : Bah, le son, nous sur scène, ça a été. Raph, le mec à la régie son a bien fait son taf, rien à dire, comme d’habitude. En façade, moi j’en ai aucune idée, je ne peux pas dire, mais mes retours sur scène étaient OK.
Au niveau de la set-list de Nostromo, vous avez interprété en majorité des extraits de Bucéphale, votre dernier album en date paru l’an dernier (Hummus Rec.), c’est ça ?
Jaja : Ouais, environ les deux tiers étaient consacrés à Bucéphale.
Lad : Oui, mais on met du vieux aussi avec des anciens titres car en fait on s’aperçoit qu’en concert, notamment en festival, les gens sont peut-être un peu moins réceptifs… C’est moins évident, disons.
Les nouveaux morceaux de Bucéphale sont peut-être plus dissonants, moins digestes et évidents à la première écoute pour l’auditeur, expérimenté ou néophyte…
Lad : Voilà, c’est ça, simplement. Je pense donc qu’il faut encore un peu de temps. Le nouvel album est plus difficile d’accès, peut-être, et doit se faire une place auprès du public. Bucéphale doit encore rentrer dans les mœurs, dans le sang, pour qu’il soit compris et que les gens s’en imprègnent.
Bien souvent, dans un œuvre aussi intense et contrasté, il faut du temps pour en extirper la substantifique moelle… Et vous avez évolué aussi au niveau de votre son, devenant plus lourd, plus sombre, presque sludge et black par moment au niveau des atmosphères sur Bucéphale. Globalement, si on fait donc le point, l’album est sorti il y a donc un an, en octobre 2022 (lire notre interview en 2022), chez Hummus Rec. Quel serait le bilan ?
Lad : Je trouve vraiment que c’est un super album. On a eu de super retours presse dessus, mais j’ai l’impression que la sauce n’a pas tout à fait pris auprès du public, et que les avis sont finalement encore assez mitigés de ce côté-là. Nous-mêmes du coup, notre sensation en retour de cet album reste assez mitigée, on ne sait pas trop.
Jaja : Bucéphale est dense aussi comme album, faut dire.
Lad : Quant à la prod’ sonore, elle tue. C’est du lourd, elle est pointue. Mais je ne sais pas, encore une fois, il faut encore du temps pour l’expérimenter davantage en concert, on ne l’a peut-être pas assez joué, ça ne fait qu’un an finalement. En festival, c’est peut-être moins évident aussi.
Pourtant la machine suisse de Nostromo s’est réveillée il y a déjà quelques années maintenant, et là avec Bucéphale, vous avez relancé tout ça en tournant beaucoup mine de rien depuis 2016/2017 : Tours, Orléans, Hellfest, Motocultor, etc.
Lad : On commence à bien savoir jouer les nouveaux morceaux, ça c’est certain. (rires) Maintenant, je m’attendais à peut-être une meilleure réaction par rapport à l’album, enfin en live, je veux dire. Mais je suis fier de cet album Bucéphale.
Jaja : Ah oui, on reste tous super fiers de l’album au sein du groupe. On est hyper content. C’est vrai qu’il fait presque office de pavé.
C’est presque une bête, un OVNI… Mais tout comme vous étiez novateurs et surprenaient les gens il y a une vingtaine d’années, non ?
Jaja : C’est vrai que quand on y regarde maintenant, avec du recul, on se dit qu’il est quand même très dense, et contient beaucoup d’infos. Il a été très travaillé. On n’a sûrement jamais joué de choses aussi techniques. On a poussé les curseurs assez loin niveau technicité, je pense, enfin du moins de notre côté, en tout cas. Le temps de digestion s’avère donc plus lent.
De nouvelles influences sont arrivées aussi entre-temps sur Bucéphale et déjà sur les deux précédents EP : comme je le disais, c’est très lourd et sombre, avec un côté sludge, et black aussi parfois dans les ambiances…
Lad : Alors justement, ça c’est quelque chose que j’aime beaucoup, personnellement. Ouais, en tout cas, c’est une direction que l’on ne va pas forcément suivre, cette lourdeur, ce côté intense et très sombre. Je pense que l’on reviendra probablement à quelque chose de plus direct. Pour autant, on ne va pas revenir à quelque chose de simple, car on ne fera jamais de la musique simple avec Nostromo ! (rires) Mais disons, revenir à des structures de morceaux plus simples à comprendre et à assimiler.
Vous n’êtes pas fans de Meshuggah pour rien non plus… (rires)
Jaja : Ouais… Enfin surtout Jéjé, notre guitariste. Mais dans le groupe, en général, Mehsuggah fait l’unanimité au sein de nous. C’est un peu la référence commune. Meshuggah, ça reste… Meshuggah quoi ! (sourires)
Au niveau des paroles, qui écrit justement les textes des chansons dans Nostromo ? Je ne me souviens plus. C’est toi, Jaja, en tant que chanteur ?
Jaja : Ah non, c’est Jéjé (=Jérôme) là encore… Gééralement, au départ, je lui envoie tout de même des idées, des thèmes, etc. Sur celui-ci, Bucéphale, en tout cas, là je lui ai envoyé des choses. Mais ensuite, comme c’est lui, notre guitariste, qui compose les riffs bien torchés pour Nostromo, alors c’est lui qui ensuite écrit mes textes qui vont avec. Après, tu sais, on se rapproche et on bosse ça tous les deux ensemble. S’il y a des choses qui ne vont pas ou que je n’ai pas envie de chanter tel ou tel truc, on en discute, on ajuste, mais il arrive avec déjà des bases car les structures, et les rythmiques du coup pour placer les phrasés des paroles, ça vient de Jérôme.
La veille de votre concert ici au Motocultor, on a vu comme promis en concert Coilguns et les a rencontrés en interview. Depuis le temps que vous m’en parliez à chacune de nos entrevues, et bien c’est fait ! Quelques mots sur vos potes suisses justement de Coilguns originaires de La-Chaux-de-Fonds qui ont véritablement mis le feu hier sur la grande scène (Dave Mustage) à Carhaix ?
Jaja : Personnellement, je côtoie Jona (Ndlr : le guitariste de Coilguns, et boss du label Hummus Rec.) depuis très longtemps. Autrefois, en fait, je jouais dans un autre projet de punk/hardcore nommé Elisabeth, vers 2008-2009, et on avait fait pas mal de dates de concerts avec eux qui démarré. Encore avant, j’avais un autre projet, Bodybag (Ndlr : ska/punk/hardcore), mais attention, non, ce n’était pas avec. C’était donc un peu plus tard avec Elisabeth que l’on s’est connu, en fait quand Nostromo s’est mis en veille. Après avec Elisabeth, ça c’est calmé, puisque les autres qui m’accompagnaient ont eu d’autres projets, et Nostromo est revenu sur le devant de la scène, mais on avait beaucoup tourné avec Coilguns à l’époque…
Ce serait envisageable une tournée commune Coilguns / Nostromo ? Ce serait fun en tout cas même s’ils veulent s’orienter vers un plus grand public rock indépendant, punk/hardcore ?
Lad : Non, je ne pense pas même si on est amis et que ça serait assurément mortel ! Car comme tu dis, c’est pas la même came. Nous, avec Nostromo, on est quand même beaucoup plus metal. Mais ce serait super, sur certaines dates, parfois. Pourquoi pas ? On a fait d’ailleurs ensemble le festival des Docks.Après, j’aime bien mélanger les styles, mais faire des tournées ensemble, à la longue, ça prendrait pas, je pense.
Jaja : Sur un festival, sur quelques jours, et ça c’est la spécificité du label Hummus Records justement de rassembler sur des évènements ses groupes, là ça le ferait. On l’a déjà fait. Mais sur du plus long terme et en dehors de ça, je pense que les publics ne se comprendraient pas forcément, même s’il y a sûrement des fans des deux, Coilguns et Nostromo, et moi le premier. Mais ce serait mortel quand même…
Avez-vous des projets de tournée en Amérique ?
Lad : Absolument pas, mais si tu as des plans là-bas à nous proposer, on est preneur ! (rires)
Côté productions à ton studio à Genève, Lad, quels sont tes actualités et projets en la matière en dehors de ton activité dans Nostromo ?
Lad : Eh bien, là je viens de finir le dernier disque de Laurent Garnier… (sourires)
Jaja : (sourires)
… (silence et regards complices)
Non, bon allez, sérieusement, sans blague, quels sont tes dernières réalisations ou projets en studio sur lesquelles tu as collaboré ?
Lad : Regarde, si tu ne me crois vraiment pas… (Ndlr : il me montre humblement sur son mobile le crédit de « Ladislav Agabekov » sur le dernier disque de Laurent Garnier, en effet, et même une photo perso des disques de Nostromo dans l’énorme discothèque de l’artiste français)
Jaja : C’est un gars incroyable en plus. Vraiment. Il a des milliers de disques, et on est parmi ses favoris en metal. (sourires)
Alors il va y avoir du budget pour un prochain Nostromo si ton compte en banque, Lad, est rempli grâce à ton travail avec Laurent Garnier !! (rires)
(Rire général)
C’est fou ça, j’y croyais pas un seul instant, Lad, quand tu m’as dit ça… En fait, on se rend souvent compte que tous ses DJ’s, dans l’électro, le rap aussi, etc., sont généralement de gros fans de rock et de metal !
Lad : Si tu veux évoluer, de toute façon, tu ne peux rester enfermé dans ton truc, dans ton carcan…
Jaja : A la base, les DJ’s d’électro, de hip-hop, y compris les meilleurs, ils avaient énormément d’influences et de connaissances en metal, toujours. Les meilleurs producteurs de hip-hop ont un panel de choix, de sons, ils sont obligés de connaître autre chose, et s’ils veulent amener des nouveaux trucs dans ce que tu fais, tu es obligé d’être ouvert pour évoluer dans ta musique.
Alors justement quels sont les projets pour cette fin d’année pour Nostromo avant de rentrer en hibernation peut-être cet hiver ? Un nouvel EP peut-être ?
Lad : Alors on travaille sur de la composition d’album. Ce ne sont cependant pas des chutes de Bucéphale.
Ce serait un album ou un EP ? Chez Hummus Rec. encore ?
Jaja : On ne sait pas encore pour l’heure. Et pour l’instant c’est encore en l’état d’embryon. On a quelques bases de morceaux, des idées de production, des invités… On rebosserait sûrement, d’ailleurs, je pense, avec Raph qui a produit Bucéphale.
Un split album ou un split EP, ce serait bien ça ? Avec qui ?
Lad : Ouais, ce serait bien d’enregistrer un split, je pense aussi…
Et encore des concerts de prévus sinon d’ici cette fin d’année ?
Jaja : Alors il y a une tournée européenne de prévue avec les Anglais de Conjurer pour dix dates cet automne, en octobre 2023. C’est énorme Conjurer. Leur dernier album est plus doom, sur leur album d’avant, c’était un peu différent. Dans tous les cas, perso, j’adore ! On se réjouit de cette tournée, avec notamment quatre dates en France (dont une date à Paris le 19/10/23 au Glazart), deux en Belgique.
Sinon, Jaja, tu piétines d’impatience pour aller voir le concert de Crowbar ici au Motocultor (Ndlr : qu’ils manqueront par notre faute). Vous êtes de gros fans comme nous tous. Mais tu sais que tu ressembles un peu à Kirk Windstein en vieillissant avec ta longue barbe grisonnante ? (rires)
Jaja : Ah merci ! (rires) Sympa…
Bah voilà une idée : à quand un split avec Crowbar alors ? (rires)
Lad : Pourquoi pas, tant qu’à faire ? Crowbar, ou bien Conjurer… (sourires)
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