Suite Live report MOTOCULTOR Festival, partie II :
Les festivités continuent de plus belle à Carhaix alors que les nuages ont été chassés durant la (courte) nuit après Marduk et Katatonia la veille au soir. Nous n’en sommes qu’au mi-chemin et avons déjà vécu de superbes moments jeudi et vendredi soir, notamment avec les concerts de Burning Witches, Ugly Kid Joe, Zeal & Ardor, Wolfmother, Crisix, Epica, Coroner, Marduk donc, ou encore le climax atteint sur Wardruna la nuit dernière pour ne citer qu’eux. (voir notre précédent live report partie I). Mais il y a encore du lourd à venir et de belles découvertes, ce qui est le but d’un tel évènement comme le Motocultor, festival unique en son genre en Bretagne. [Live report : textes & photos par Seigneur Fred, avec la complicité de Morbidou]
SAMEDI 19/08/2023
C’est parti avec Pøgø et leur techno/trap metal qui va réveiller Carhaix ! Question metal, zéro pointé ici, mais l’essentiel est ailleurs. S’il n’y aucune guitare jouée ni d’ailleurs aucun instrument sur scène, c’est juste à l’aide d’un ordinateur avec des samples pré-enregistrés, aucun DJ set, juste des fumigènes et beaucoup d’énergique que deux gaillards au micro, l’un en tenue goth à la Mortiis, et un autre en tenue intégrale jaune fluo digne du sketch des Inconnus (genre « le lampadaire, c’était moi ! ») volée à un agent municipal en service, vont tenter dès 12h45 de faire danser le public matinal breton sous la . Et ça fonctionne ! Alors que Rectal Smegma réveille également tout en brutalité un autre public, plus metal celui-ci. Souvenez-vous de Defloration il y a quelques années au Motocultor à St Nolff. Eh bien c’est un peu la nouvelle génération, dirons-nous, du brutal death/grindcore (ou plutôt gore) néerlandais.
Puis c’est au tour de nos voisins belges de Brutal Sphincter d’envoyer là aussi la sauce grindcore, si l’on puisse se permettre, dans la joie et bonne humeur, devant un public qui en redemande déjà. L’an dernier, nous avions droit à Princesse Leya, dans un genre parodique et nettement moins brutal, bien entendu. La palme du meilleur comique au Motocutor 2023 leur revient néanmoins sans problème, alors que la formation belge prépare sérieusement un nouvel album studio dont ils nous joueront quelques échantillons.
Entre-temps, nous croiserons déjà des punks au taquet pour les concerts de The Toy Dolls, Ludwig Von 88, et The Exploited prévus ce soir, mais aussi une elfe, échappée de la mythologie nordique contée par Wardruna la veille…
Allez, place à un peu plus de subtilité et de douceur matinale, avec Sylvaine sous la Massey Ferguscène déjà pleine comme un œuf car ses fans sont bel et bien au rendez-vous.
Mais attention, les apparences sont parfois trompeuses ! Derrière ce joli minois et ses cheveux d’ange, se cachent une artiste norvégienne (qui a vécu plusieurs années à Paris) complète, qui laisse exprimer sa mélancolie avec tantôt un chant clair et des mélodies rock shoegaze, et un black metal mélodique, le tout sous influence Alceste. Le dernier album de Sylvaine, baptisé Nova, a d’ailleurs rencontré un joli succès, et nous vous le recommandons alors que ses précédentes œuvres manquaient un peu de relief et de personnalité. Et sur scène, la chanteuse alterne screams et voix claires sans aucune difficulté, et bouge bien, à côté de son nouveau bassiste français, le Ch’ti Max. Superbe prestation, tantôt aérienne, tantôt déchirante, sous des lumières sobres mais parfaites, et un son au poil.
Sa séance de dédicaces ravira les fans, tout comme Wardruna la veille et Crisix, ou plus tard Rise Of The North Star qui fera un carton plein, nous confiera les bénévoles du stand officiel des dédicaces du festival.
On avait repéré T.T.T. sur le programme, et était curieux de voir ce « Tribute to Thrash ». C’est un concert de reprises (forcément) thrash d’excellente facture, avec messieurs Stéphane Buriez et Alex Colin-Tocquaine, s’il-vous-plaît, auquel nous allons assister, sous un soleil radieux sur la Dave Mustache. En ouverture, « Black Magic » de Slayer, puis s’enchaînent des brûlots référentiels dans le genre, parfaitement exécutés ici avec un son excellent : « Nuclear War » de Nuclear Assault, « Flag of Hate » (Kreator), « Mad Butcher » (Destruction), « Jump In The Fire » (Metallica), etc. Absolument génial, idéal pour se remettre dans le bain après Crisix la veille. Notre Bubu national est aux anges. Nous recroiserons le leader de Loudblast un peu plus tard sur le puissant duo « Attila » avec Sortilège, ainsi qu’Alex, le célèbre guitariste gaucher Agressor, qui, malheureusement, repartira aussitôt dans le sud. Félicitations aux deux autres musiciens Nicklaus Bergen (guitare/chant) que l’on a déjà croisé comme zicos de session dans Yyrkoon, Bliss Of Flesh, etc., et Fabien « Speed » Cortiana (batterie/chant), fondateur des groupes Evil One et Thrashback. Même si aucun album n’est prévu, nous confiera Stéphane Buriez, T.T.T. est essentiellement une aventure live que nous recroiserons certainement…).
Autre formation française, moins connue celle-là, mais qui commence à se faire un nom sur la scène black française grâce à l’appui désormais du label nantais Les Acteurs de l’Ombre Productions : Pénitence Onirique. Originaire de Chartres mais désormais éparpillé en région parisienne (Seine et Marne principalement), ce sextet possède déjà deux albums studio à son actif, V.I.T.R.I.O.L. (autoprod.) et Vestige (2019/LADLO). Vêtus tout de noir avec un masque, nous ne verrons rien de leur visage mais écouterons religieusement leur black metal rapide et rentre-dedans avec par moment des passages plus atmosphériques intéressants, quelque part entre Au-Dessus et Déluge, mais avec leur personnalité déjà, et des paroles/textes en français, s’il-vous-plaît.
Malheureusement la prestation assez figée (ils sont six sur scène, donc forcément un peu limités dans l’espace) manquera un peu de dynamisme en live contrairement à leurs homologues portugais de Gaerea qui évoluent dans le même style et que nous verrons le lendemain au Motocultor. Qu’importe, Pénitence Onirique est un combo français à suivre de très près, surtout qu’un nouvel opus studio, Nature Morte, débarque cet automne chez LADLO… (interview à venir sur notre site sous peu…).
On change complètement d’ambiance mais on reste francophones avec nos nouveaux chouchous du festival, recommandés à plusieurs reprises par nos copains de Nostromo : Coilguns. Ces quatre Suisses énervés vont envahir la Dave Mustage et surprendre tout le monde en faisant (enfin) le show avec un esprit déjanté et désinvolte…
Totalement barrés et gonflés à bloc, mais humbles et extrêmement doués, Louis, Jonas et compagnie vont tout donner à travers leurs compositions déstructurées et in your face. Ils sont inspirés tant par le hardcore de The Dillinger Escape Plan que par le post rock et le punk. On est bluffé par leur musique mais aussi leur attitude. Ils confieront donner là leur plus grand concert en termes de scène et spectateurs, tout en plaisantant avec la foule. Excité comme une puce, Louis Jucker, le chanteur à la chevelure frisée (et accessoirement guitariste sur certaines morceaux), va d’abord escalader une colonne d’enceintes au risque de chuter, un peu à la manière de Joel O’Keeffe d’Airbourne au Hellfest en 2008 mais en moins haut cependant. Puis il s’offrira un énorme slam dans le public avec son micro filaire, chose qui compliquera un peu son avancée. Auteurs de trois albums, ces musiciens ne vous sont probablement pas totalement inconnus au bataillon car la moitié du groupe est issue en fait du collectif allemand The Ocean qu’ils ont quitté en 2013 après trois albums studio et d’intenses tournées dans la bande à Robin pour créer leur propre voie. Et ils ont bien fait. Avec déjà plusieurs splits et EP, ainsi que trois albums, Commuters (2013), Millenials (2018/Hummus Rec.) et Watchfinders (2019/Hummus Rec.) à leur actif, sachez qu’ils préparent sérieusement un quatrième LP qui risque de faire mal l’an prochain dans un format toutefois plus accessible, nous confieront les musiciens en interview, en espérant qu’ils ne perdent rien de leur spontanéité. (interview réalisée à chaud à retrouver sur notre site ici ! On y parle déjà en avant-première de leur prochain album studio à venir en 2024). Voilà un show qu’il ne fallait assurément pas manquer encore au Motocultor ! Les p’tits Suisses de Coilguns se produiront le 15/09/2023 à Clermont-Ferrand (Coopérative de mai).
Nous manquerons Birds In Row, combo lavallois de post punk/hardcore qui avait annulé sa venue au Hellfest en juin dernier (2023) mais que nous tâcherons de revoir aux prochaines Rockomotives de Vendôme à l’automne prochain. Quant à l’autre groupe français qui joua dans le même temps, Akiavel, leur death/black metal costaud et entraînant remporta un franc succès auprès des festivaliers. Nous réentendrons parler d’eux certainement très bientôt puisque le quatuor toulonnais vient de signer sur le label Season of Mist, et prépare un quatrième album studio avec toujours Chris, Jay et Butch aux instruments, et l’impressionnante et redoutable chanteuse Aurélie.
Bleed From Within va ensuite donner un show impeccable sur la Dave Mustage, puissant et carré, qui ravira les adeptes de metalcore. Rien à dire ! Par exemple, le single « I Am Damnation » tiré de leur dernier album Shrine (2022/Nuclear Blast) est véritablement taillé pour la scène et fait mal dans le pit. Le son est monstrueux. Le combo de Glasgow se produira, comme bien d’autres, le lendemain au Summer Breeze Festival en Allemagne avec la même setlist.
Les très attendus hard rockeurs français de Sortilège, avec toujours Christian « Zouille » Augustin, seul rescapé du line-up originel du groupe (dont le nom est disputé pour des raisons juridiques que vous connaissez certainement si vous suivez le groupe depuis les années 80), vont alors rassembler jeunes et moins jeunes pour une leçon de heavy metal à la française, le tout dans un esprit familial. La tente de la Massey Ferguscène est archi-comble. Le point d’orgue sera définitivement la chanson « Attila » en duo avec Stéphane Buriez (Loudblast, Sinsaenum, etc.) au micro, aperçu quelques heures plus tôt sur la grande scène avec T.T.T. (Tribute to Thrash). Puissant, incroyablement heavy, tout le monde reprend en chœur, et démontre la qualité des compositions tant live que sur album d’Apocalypso (Verycords), dernier opus en date de Sortilège sorti plus tôt dans l’année. (lire notre chronique ici)
Encore des vieux de la veille école à présent, avec les Américains quinquagénaires de Dog Eat Dog, combo de fusion/hardcore qui connut son heure de gloire à l’aube des années 2000 grâce à Billy Graziadei (Biohazard, Billybio) qui transmis la démo du groupe du New Jersey au fameux label Roadrunner Records dans les années 90. Il faut dire qu’ils avaient un peu disparu de la circulation après leur album Walk With Me (Nuclear Blast) en 2006… Avec leur énergie habituelle, et ce saxo qui fait la petite différence sur scène, on passe un chouette moment. Les Américains ont la banane et nous aussi. Si le ska et le rap hardcore de ce style sont un peu passés de mode aujourd’hui, qu’importe ! Le public du Motocultor s’en moque et réserve un chaleureux accueil, comme Ugly Kid Joe le jeudi.
Alors que d’autres Américains, ceux de Gatecreeper, ont tout ravagé sur scène avec leurs guitares tronçonneuses et un set qui fleure bon le vieux death metal suédois de l’aube des années 90 post-Nihilist (Entombed, Unleashed, Grave, Dismember, etc.), un autre combo va conquérir littéralement le public connaisseur de rock, mais aussi néophyte : Brutus.
Originaire de Louvain, ce trio belge, humble et sans chichi, est emmené par sa batteuse/chanteuse Stefanie Mannaerts, et fait un malheur lors de ses performances live. Brutus pourrait bien rejoindre les groupes de rock belge indépendants à succès comme Deus. Basé sur des rythmiques complexes et un chant féminin exclusivement, la formation attire déjà par sa configuration de trio : avec Peter Mulders (basse) et Stijn Vanhoegaerden (guitare), et donc cette batterie de profil installée sur la droite de la scène afin de bien voir le jeu de la musicienne, ce qui est rarement le cas dans le rock ou le metal où l’on aperçoit généralement à peine la tête du percussionniste. Leurs compos rythmées aux structures recherchées s’orientent dans une veine post rock/post hardcore. Les riffs de guitare de Stijn sont prenants, la basse omniprésente confère un son chaleureux, alors que Stefanie envoie du lourd sur ses toms et caisses, en plus de chanter avec son grain de voix légèrement éraillé. Le public de Carhaix adore, et nous aussi. Quelle performance ! Brutus quittera la scène sous une grande ovation.
Suite idéale, le post rock de Russian Circles nous fait ensuite vaciller, et l’on resterait bien à écouter leur musique hypnotique, mais le devoir d’interviews nous appelle pour Watain, puis Pénitence Onirique, et Coilguns.
De retour pour une leçon de thrash teuton avec Sodom sur la Dave Mustache pour un show classique, simple mais efficace, sans fioriture ni confettis. Après Keator l’an dernier, place cette année à Tom Angel Ripper (lire son interview à propos des 40 ans du groupe ici) et ses comparses qui nous délivrent un titre seulement de Genesis XIX, « Sodom & Gomorrah », et surtout des classiques de la respectable discographie du groupe allemand, dont un certain « Agent Orange »… À noter que Sodom sortira un EP 5 titres intitulé 1982 cet automne (SPV/Steamhammer). Parallèlement, un autre groupe allemand évoluant dans un black metal moderne et qui se fait rare sur scène en France tant il grandit en notoriété à chaque album : Der Weg Einer Freheit (lire notre dernière interview ici). Nos Bavarois menés par le sympathique Nikita Kamprad (guitare/chant) a la difficile tâche de jouer en plein soleil sur la Supositor Stage alors que leur musique, composée et écrite par son leader durant de nombreuses nuits (blanches), conviendrait mieux pour le royaume de Nyx. Leur excellent dernier opus justement, le bien nommé Noktvrn (2021/Season Of Mist), pourtant ambitieux et complexe, passe néanmoins admirablement l’épreuve du live. Der Weg (…) représente ne fait clairement plus partie de la scène underground et représente ce qui se fait de mieux en matière de black metal novateur outre-Rhin, alors que Dark Fortress a malheureusement splitté cette année.
Le soleil se couche à Carhaix… La soirée est bien avancée, et l’heure du punk a sonné !
Un boulevard de festivités et autres danses de pogos s’ouvre alors pour les punks nostalgiques mais aussi les nouveaux venus, avec pas moins de trois groupes cultes : Ludwig Von 88, The Toy Dolls, et The Exploited où, sur la scène de ce dernier, tout le monde sera invité à monter pour clôturer ce bal de rockeurs enragés tard dans la soirée…
Mais nous prolongeons notre expérience black metal avec les Suédois de Watain sur la Supositor Stage pour ne pas rater leur habituelle messe satanique, devenue, certes, classique et rituelle à chaque concert avec sa mise en scène, l’allumage des bougies et autres chandeliers, par son frontman Erik Danielsson (chant) que nous rencontrerons quelques heures avant de monter sur scène, treize ans après notre premier face-à-face au Hellfest en 2010 pour la promotion de l’excellent Sworn To The Dark… Qu’importe, l’effet est là, et frissons garantis même si nous n’aurons pas droit, nous semble-t’il à de sang (de port) jeté en pâture au public, bien que le lendemain nous retrouverons des stigmates à la barrière de sécurité du pit plus visibles en plein jour… Si l’album Trident Wolf Eclipse fut peut-être moins réussi et inspiré, The Agony & Ecstasy of Watain, leur dernier opus a fait l’épreuve du feu et a renoué avec le succès auprès des fans qui ont eu là sur un plateau un excellent cru 2022.
En live, cette horde suédoise ne triche jamais. Les musiciens, dont le bassiste chilien titularisé Alvaro Lillo (Xalpen, Kako Daimon, Execrator…), jouent toujours comme si c’était là leur dernière représentation sur Terre avant de rejoindre les Enfers qu’ils vénèrent tant. Ceux qui voulaient un show typiquement black metal ce soir, après celui plus inattendu et diversifié de Marduk la veille, Watain fera leur bonheur, pour les autres, ils auront fui depuis longtemps pour voir le concert des Gallois de Bullet For My Valentine, carré et puissant, mais sans surprise là aussi.
L’attente fut longue, mais est-ce que cela en valait la peine pour Amenra ? Oui, dirons la plupart des fans, d’autres non car aucune surprise là encore par rapport aux concerts habituels qui suivirent la sortie de leur septième album studio De Doorn (2022/Relapse Rec.). qui signifie en flamand « l’épine ». Des lumières minimalistes, une projection vidéo sans grand impact, une ambiance mortifère et dépressive au possible, des guitares lourdes et torturées sur des rythmes lancinants, tout est au rendez-vous pour créer cette musique unique signée Amenra. Bien souvent, Colin H. van Eeckhout, le chanteur, principal compositeur et auteur, mais également producteur, chante de dos à l’instar d’un Maynard James Keenan (Tool, A Perfect Circle, Puschifer). Il faut avouer que ce groupe belge est devenu une référence dans le genre sludge/doom metal ces deux dernières décennies. Par contre aucune suspension de son chanteur Colin comme il le faisait jadis, mais le bougre s’est calmé, et c’est mieux ainsi, car le trip S&M jusqu’à la souffrance et décollement de la chair en public, non merci.
Little Big envahira le dance floor pour conclure cette troisième journée, ou plutôt soirée, alors que les punks envahissent la Bruce Dickinscène sur l’invitation de The Exploited. Encore une journée fantastique, riche en émotions, que ce soit grâce à des découvertes ou des légendes, chacune dans son genre. Bonne nuit !
DIMANCHE 20/08/2023
Après la communion satanique de Watain la nuit dernière avec son public et notre interview backstage avec notre ami Erik Danielsson, certains iront à la messe à Carhaix en ce jour du Seigneur pour se repentir, pour d’autres la messe viendra aux festivaliers présents au Motocultor afin d’expier leurs nombreux péchés durant ces quatre jours, alors que l’an dernier, en 2022, nous avions d’ailleurs croisé de charmantes nonnes pas très catholiques…
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