C’est sur le tonitruant « Barely Alive » lancé à plus de 200 bpm et appuyé par les monstreux growls du frontman John Tardy que nos vétérans américains de la scène death metal de Tampa (Floride) effectuent leur retour, presque six ans après leur album éponyme et une période forcée d’abstinence de concerts, pandémie oblige. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Obituary est bel et bien vivant à l’image des frangins Tardy (Donald à la batterie, et John donc au mic’) en pleine forme derrière ce magnifique artwork (signé du défunt artiste et fan polonais Mariusz Lewandowski (R.I.P.)).
Ils sont remontés à bloc et prêts pour un nouveau marathon de concerts et festivals (lire notre interview). Après une tournée cet automne 2022 en Amérique du Nord en compagnie des Amon Amarth, Carcass, et Cattle Decapitation, ces véritables leaders débarquent en Europe en ce début d’année 2023, bien décidés à rattraper le temps perdu à attendre dans leur Floride le retour des hostilités live et à nous en mettre plein les oreilles avec ce onzième album studio intitulé Dying Of Everything.
Et quel artwork encore une fois ! Alors peut-on mourir de tout ? Telle est la question ici. Mais pour l’heure, laissons ça aux philosophes car vous l’aurez compris, Obituary ne fait toujours pas dans la dentelle et préfère nous distribuer des baffes death metal en pleine tronche et ne pas tergiverser, même si certains titres interrogeront l’auditeur tout du long tant ils font écho de notre triste actualité dans notre bas monde (« War », « Be Warned »…). Leur premier nouveau single, « The Wrong Time », sorti quasiment en même temps que celui de Metallica (« Lux Aeterna ») en novembre dernier, sonne très groovy et taillé pour la scène. Ciblant les fans d’Amon Amarth qu’ils comptent bien conquérir, Obituary veut aller droit au but, comme nous le confiera en entretien le batteur Donad Tardy.
Sur un riff, certes très basique, mais ô combien entraînant, la paire Trevor Peres/Kenny Andrews fait un malheur, même si bien sûr ça sent un peu le réchauffé, car il y a bien longtemps que la formation de Tampa n’innove plus avec bientôt quatre décennies de carrière. Le solo est simpliste, mais là encore, c’est l’efficacité qui est de mise, et le groove de Donald Tardy rend ce morceau tout simplement imparable, les cris ahurissants de son frangin finissant de nous convaincre sans aucun problème.
Le très très heavy « Without A Conscience » suivi du méchant « War » démontrent tous deux que l’on peut avoir de l’esprit et dénoncer les maux de l’Homme sur Terre. Les trop nombreux exemples comme la récente guerre civile au Pérou, le conflit en Ukraine ou bien les fréquents combats en Afrique témoignent malheureusement de cette situation, alors que ce titre « War » a été écrit par le chanteur John Tardy il y a déjà plus de deux ans, d’après la réponse de son frère Donald à propos de la source d’inspiration ici lors de notre interview. Petite surprise inédite chez Obituary : un bref break acoustique après le solo de guitare de Kenny Andrews (arrivé en 2022 en lieu et place de Ralph Santolla (R.I.P.), remercié en 2011 en remplacement d’Allen West et ses déboires judiciaires) vers la fin du morceau. Idée originale de la part de son batteur, et là encore efficace si l’on n’en abuse pas, comme toutes les bonnes choses. Divers samples ponctuent ce titre qui fait froid dans le dos et terriblement écho à l’actualité, un peu comme le single « Soldier On ! » de Megadeth paru l’an passé.
Sur la chanson-titre composée en duo justement par le guitariste Kenny Andrews et le cogneur de la famille Tardy (dont le look à la barbe de plus en plus longue, comme Trevor Peres, tend à se rapprocher vers celui de Dusty Hill/Billy Gibbons des regrettés ZZ Top), c’est du Obituary pur jus, où la batterie cavale, s’accélère, puis est entrecoupée de breaks et des riffs écrasants , certes quelque peu répétitifs mais diaboliquement contagieux. Seul petit bémol, ce rajout inutile et redondant à la fin du morceau (4’12 mn) qui aurait gagné en efficacité totale à être coupé au mixage. Puis sur le mid-tempo « My Will To Live », on retrouve un riff plus teinté crossover, voire hardcore, quelque part entre Biohazard et Slayer. Il est vrai qu’Obituary a toujours rassemblé divers publics en concert : purs metalheads fans de death, mais aussi coreux en tout genre.
Si l’on entend peu la basse de Terry Butler (ex-Massacre, ex-Death), elle appuie tout de même là où ça fait mal, les guitares de Peres/Andrews étant si saturées et déjà heavy. On appréciera le court solo de guitare, proche d’un Morbid Angel et un Trey Azagthoth en petite forme, au milieu du morceau « By The Dawn », tout en shredding. Obituary excelle toujours autant sur les chansons mid-tempo. Plus basique en revanche, « Weaponize The Hate » renvoie lyriquement à « War » tout en mettant en avant les percussions de Donald derrière ses fûts, alors que « Torn Apart » sonne plus incisif. Composé par Kenny Andrews, celui-ci s’avère inspiré quand on lui laisse carte blanche même s’il suit le cahier des charges du groupe : riffs heavy au possible, court solo en shred, batterie qui pilonne, chant déchirant. Enfin, l’ultime et énorme « Be Warned » conclut avec brio et de manière plus mélancolique grâce à sa touche doomy ce onzième commandement de death metal au patrimoine de nos cinq Américains qui demeurent globalement intouchables en la matière, et ce, avec un minimum d’innovation en près de quarante ans d’existence, mais avec un grand savoir-faire qui prend toute son ampleur en concert. Alors ne les manquez pas lors de leur passage cette année en France ! [Seigneur Fred]
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