Révélé dès 2016 avec l’autoproduit V.I.T.R.I.O.L., nous avions détecté un potentiel fort intéressant chez Pénitence Onirique qui fut confirmé à l’écoute de leur second méfait Vestige en 2019, et le label Les Acteurs de l’Ombre Productions aussi. Impatients d’en connaître la suite, nous avons rencontré au festival Motocultor le sextet français et francophone (son chanteur s’évertue à s’exprimer dans la langue de Molière) fondé à l’origine dans la bonne ville de Chartres. C’était quelques mois avant la publication de leur nouveau petit chef d’œuvre, Nature Morte. Clairement, il va falloir désormais compter sur cette formation parmi la scène black metal nationale. [Entretien réalisé avec tout le groupe en conf. de presse au festival Motocultor à Carhaix le 19/08/2023 par Seigneur Fred – Photos Motocultor : Seigneur Fred ; autres photos : DR]
D’où vous vient l’idée de porter des masques sur scène et dans vos photos promotionnelles accompagnant la sortie de vos albums ? Vous êtes-vous inspirés d’autres artistes comme Behemoth et plein d’autres (Imperial Triumphant, Gaerea, etc.), car c’est devenu un peu la mode dans le black metal dernièrement…
Logos : Non, non, pas spécialement… C’est juste que l’on voulait trouver un artifice visuel qui nous corresponde. Au départ, ça devait uniquement être un projet studio et on était que deux dans le groupe. Dans un simple projet studio, tu n’es pas obligé de t’afficher, ça va, c’est bien. Mais on est arrivé finalement à faire de la scène, donc il a fallu adapter et trouver un subterfuge, d’où les cagoules avec des masques par-dessus.
Ce n’est pas trop gênant pour respirer sur scène, ou bien boire des bières ? C’est pas très pratique, non ?
Logos : Non, enfin c’est dégueu, mais ça va, sauf pour boire des bières comme là, quand il fait soif, en effet. (rires)
Vous étiez déjà protégés contre le covid-19 du coup ? (rires)
Logos : Ouais, on va dire ça… (rires)
Il y a un côté très lovecraftien dans vos masques, tout de même, si l’on y regarde d’un peu plus près…
Logos : C’est vrai. L’inspiration, elle, est bien là, en effet. Mais ce n’est pas ce que l’on recherchait spécialement. Il n’y a pas ici de concept spécial derrière ça. Ce sont des masques que l’on s’est procuré comme ça. Ils n’ont pas été faits sur mesure pour nous. On n’a ni les moyens ni les connaissances pour avoir des masques sur mesure pour le moment. Bon, certains de nos masques ont vécu et déjà pris cher à force des concerts… (rires) Mais on voulait quelque chose de stylé. Ils avaient été achetés à une Anglaise. On va voir pour l’avenir si ça évolue ou pas. (Ndlr : depuis, Pénitence Onirique travaille pour cela avec une artiste allemande, Tuahadedana)
Y’a-t’il une recherche d’anonymat réel derrière ce port du masque chez Pénitence Onirique, ou bien c’est juste un gimmick sur scène et les photos ?
Logos : C’est délicat… Disons que l’on est toujours partagé entre être tranquille, pouvoir se balader incognito, et en même temps se parler en tête-à-tête avec des gens, on aime bien voir le visage des gens. L’anonymat c’est très important, notamment pour l’image du groupe. Ça participe à la musique que véhicule le groupe, qu’importent nos prénoms. Après l’interview, si on se parle, je te parlerai pareil, je suis le même. C’est juste dans l’image du groupe, et on n’a rien à cacher de toute façon, tu sais. On a tous des gueules de merde quand on joue sur scène de toute manière, donc c’est aussi un moyen de cacher la misère ! (rires)
Parlez-nous de votre nouvel album, Nature Morte, qui sort donc début novembre 2023 chez LADLO…
Logos : On a fini l’album il n’y pas très longtemps. Il a été mixé et masterisé il y a peu. Là, il est en cours de pressage. Un premier single est déjà sorti en version « prémix » en avant-première sur le sampler du label Les Acteurs de l’Ombre Productions cette année. C’est le titre « Les Mamonnites ».
Comment le définiriez-vous ce troisième album par rapport aux deux précédents, V.I.T.R.I.O.L. et Vestige ? À quoi peut-on s’attendre ? Est-il plus direct et rentre-dedans, ou bien au contraire plus atmosphérique ? Votre style s’affirme ?
Logos : Euh… C’est une évolution, je dirais. Déjà, on est tous impliqués dans les nouveaux morceaux de l’album car on a tous participés à sa composition et à son écriture, même si j’amène les idées de textes au départ (Ndlr : Logos, le chanteur).
Bellovesos : En fait, il y a du plus de tout : plus d’agressivité, plus d’ambiance, plus de tout donc, mais pas forcément dans chaque morceau car chacun est différent. C’est selon les besoins des chansons, selon la vision de Pénitence Onirique qui convient et que l’on exprime. Mais disons que tout a été poussé à l’extrême, sur chaque morceau, afin de donner un rendu plus riche.
Logos : Ouais, on a poussé tous les potards à tous les niveaux. (rires) Alors quand ça va vite, ça va très vite, quand c’est lent, alors c’est très lent. Voilà, il y a des contrastes au sein de l’album en poussant plus les choses. Au final, je dirai que ce nouvel album est plus violent quand même, plus poussé et recherché artistiquement. Il est différent des albums précédents cependant car on a tous creusé ses parties, son instrument, les voix, etc. Le son est aussi différent.
Vous avez un nouveau batteur sur scène. Figure-t’il dessus ? Est-ce lui qui interprète ses parties de batterie sur Nature Morte ou il est arrivé après ?
Bellovesos : Non, c’est bien lui. En fait, tout le monde ici présent a participé au nouvel album.
Iendar : Oui, c’est bien moi, j’ai enregistré toutes mes parties en Belgique, et je leur ai envoyées après pour le mixage.
Au niveau de la production et de l’enregistrement, où avez-vous fait ça et avec qui avez-vous travaillé en studio ?
Logos : C’est toujours notre ingé son, le même ingé son qui nous suit en concert. Il nous connait bien puisqu’il nous suit sur scène aussi.
Bellovesos : Et il avait déjà travaillé avec nous sur le second album Vestige. Ça fonctionne bien entrenous. Mais le son est toutefois différent sur Nature Morte.
Logos : Tout a été fait chez lui, au DNI Studio, sauf la batterie donc, que l’on a ajouté et mixé ensuite. Ce fut laborieux, beaucoup de travail, mais on a réussi…
D’où vient le nom de Pénitence Onirique à l’origine ? Pourquoi ce nom ?
Logos : Tu es sûr que tu veux vraiment savoir ça ? (rires) Euh… Eh bien au début, c’était quand on était que tous les deux (Ndlr : Logos et le guitariste Bellovesos). Donc, quand on a commencé à chercher des noms pour le projet, en français si possible, car ça coulait de source… Et ce nom n’a pas vraiment de sens, et en même temps, ça ouvre l’imagination, tu vois. Il n’y a pas vraiment de sens, en soi, ça ne veut rien dire, mais c’est un ensemble de mots qui fonctionnait bien. On est parti là-dessus, et après on n’a pas trop cherché autre chose. Cela allait bien avec la musique, c’était cool, avec ce côté ambiant et éthéré.
Au niveau des paroles même si ce n’est pas toujours compréhensible dans le black metal. Vos textes sont-ils toujours en français sur ce nouvel album Nature Morte ?
Logos : Les paroles sont en français depuis le premier album et encore maintenant. On reste comme ça. Ça restera toujours en français de toute manière.
Cela ne pas être trop gênant pour s’exporter en français ?
Logos : Crois-tu que l’on va s’exporter ? (rires) ? Non, ce n’est pas important. Quand tu aimes une musique, qu’importe qu’elle soit chantée en russe, en norvégien, en anglais ou en français. Peu importe qu’ils nous comprennent ou pas, la musique d’abord, après ça parle aux gens ou pas.
Bellovesos : Et puis il y a une certaine mélodie déjà dans le chant en français, ça colle bien. Dans la langue française, il y a une certaine mélodie qui permet de placer les lyrics aussi.
Logos : Le français est ma langue naturelle, je ne me vois pas chanter dans une autre langue. C’est beau le français ! Bien sûr, c’est dur de la faire sonner en rock, metal, et en black metal notamment. C’est du travail pour faire passer des émotions, c’est dur, mais ce sera toujours en français chez Pénitence Onirique !
Il n’y a pas forcément de rimes d’ailleurs dans vos paroles en français. Ce n’est pas trop difficile à mémoriser ensuite pour les chanter ?
Logos : Au début j’ai essayé de me prendre la tête pour faire des rimes sur les structures, mais c’était trop compliqué. J’ai donc laissé tomber. J’écris sans rime, et ça me va comme ça. Pour les retenir, en fait, comme j’écris mes textes directement sur les musiques, pour moi c’est évident. Sur le riff, j’écris, la ligne de chant vient avec, et c’est facile et évident comme ça pour moi du moins. Je fais très peu de retouches, j’écris comme ça vient.
Et quelles sont vos sources d’inspiration ? A des rêves ? Le nom déjà du groupe : Pénitence Onirique. Vos textes renvoient-ils au monde des rêves justement ?
Logos : Non, même pas. En fait, pas des rêves, mais j’essaie d’écrire un genre de concepts, ce qui me vient à l’esprit, même avant la musique. Cela me suit tout le temps pendant un moment, pendant un, deux, trois ans, et là j’utilise tout ce que j’ai emmagasiné. Et il y a un côté ambiant, qui vient peut-être de l’inconscient même si quand j’écris ça je suis conscient. Je me gave de plein de choses, et là, il y un concept qui peut naître et coller avec les musiques. Au final, un seul morceau qui est différent et ne fait pas partie du concept paradoxalement de l’album, c’est justement le single « Les Mammonites », mais je voulais quand même le mettre dans le disque. « Les Mammonites », ce sont ceux qui vouent un culte à Mammon, c’est-à-dire à la divinité de la richesse matérielle, selon la Bible dans le Nouveau Testament. (Ndlr : et dans l’Ancien Testament ou la Torah, cela correspond au culte du Veau d’or)
Pénitence Onirique est originaire de Chartres à la base, ville très chrétienne représentée souvent par sa cathédrale, et bien à droite politiquement. Est-ce cadre qui a fait naître en vous cet esprit de rébellion, de rage, et votre envie de jouer du black metal peut-être ?
Logos : Ouais, c’est ça, on est originaires de Chartres. C’est vrai tout ça. Après je ne sais pas. Il faut dire qu’il y a quand même une ambiance spéciale à Chartres par rapport à ce que tu viens de dire justement… Nous, on a grandi là-bas, ensemble. Il n’y a pas ou peu de groupes de metal là-bas. Y’a pas de scène black metal justement. Et à Chartres, on ressent vraiment cette ambiance, avec sa cathédrale imposante, son patrimoine en centre-ville, car il y a une aura, une histoire. C’est vraiment le lieu idéal pour écouter du black metal qui va à l’encontre de tout ça justement. Après, politiquement, que ce soit à droite ou autre, non. Cela n’a rien à voir avec la création de Pénitence Onirique. Mais je pense que c’est l’ambiance de Chartres qui a contribué par contre à écouter et faire du black metal. C’est vraiment cette aura prédominante qui nous attire. Y’a un vrai truc qui est toujours là, d’ailleurs on y retourne encore puisqu’on y a nos familles, etc.
En tant que jeune groupe français, avez-vous déjà des connexions avec des artistes étrangers notamment des groupes de black metal en Scandinavie ? Dans le passé, il y a eu des échanges, je pense à Seth, il y a une bonne vingtaine d’années par exemple…
Logos : Non, on n’est pas trop dans ce genre de trucs à vrai dire. Bien sûr, on croise quelques autres groupes en concerts avec qui on a joué, mais sinon non. On a déjà du mal à se faire des contacts, même entre nous pour se voir, donc t’imagines… avec des groupes étrangers, scandinaves. On ne cherche pas spécialement et on n’est pas trop là-dedans. S’ils sont cools et que naturellement ça le fait, tant mieux, mais on n’est pas trop réseau, hormis avec le label déjà qui fait un super boulot et on a quelques connaissances avec certains de leurs groupes. C’est tout. Après, si demain un groupe de black metal scandinave nous invite à boire un coup, très bien, allons-y ! Mais c’est pas demain que l’on ira jouer en première partie d’un de ces groupes, je pense, que ce soit en Norvège ou en Suède… (rires)
Enfin, quels sont les projets de tournée pour accompagner la sortie de ce troisième album Nature Morte ?
Logos : On n’a pas encore vraiment de tournée établie. C’est compliqué de tourner, au niveau des disponibilités de chacun, etc. Et puis on a déjà eu pas mal de galères pour faire cet album qui sort enfin maintenant, enfin cet automne. Donc on y va à tâtons pour le moment, et on est même un peu à la bourre d’ailleurs pour ça.
Bellovesos : A la rentrée, on va faire quelques concerts déjà, dont le Tyrant Fest en octobre.
Logos : En fait on travaille sur d’autres dates, c’est en cours, mais avant cela, nous allons déjà voir les réactions à sa sortie, voir comment il est accueilli. C’est déjà super important. Ensuite, oui, on aimerait bien tourner un peu, faire une petite série de dates, mais pas une grosse tournée car on ne peut tout simplement pas.
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