PENITENCE ONIRIQUE : Nature morte

Nature Morte - PENITENCE ONIRIQUE
PENITENCE ONIRIQUE
Nature Morte
Black metal onirique
Les Acteurs de l’Ombre Productions

Nous étions impatients d’écouter la suite à Vestige et voir ce qu’allaient nous réserver les Français de Pénitence Onirique, jeune formation black metal masquée originaire de Chartres. En effet, leur second opus nous avait plus qu’interpellés en 2019 même s’il n’était pas exempt de quelques défauts de jeunesse dans cette mouvance post black metal très à la mode… Le temps passa, la vie continua. Ses membres se sont disséminés un peu partout en banlieue parisienne, et une pandémie survint entre-temps. Son successeur se nomme Nature Morte et voit enfin le jour cet automne. Si nous avions déjà eu l’honneur de le découvrir en avant-première l’été dernier, et même entendre certaines nouvelles chansons en live au festival Motocultor édition 2023, voici enfin le tant attendu objet, le précieux, « mon précieux »… Doté d’un superbe artwork représentant tristement une nature morte mêlant, en l’occurrence ici une sorte de berceau fait de couronne d’épines et de fleurs multicolores, le digipack est sobre mais totalement réussi. On entrevoit déjà la dualité de la beauté et de la laideur, le doux et le dur, des sentiments d’amour et de haine…

« Désir » ouvre ce bal automnal, non pas de feuilles mortes, mais on n’en est pas loin, le titre de l’album évoquant donc cette Nature Morte. Sur quelques nappes de claviers aux sonorités tubulaires, quelque part entre Crematory et Dimmu Borgir, cette défunte nature s’offre à nos oreilles. On est charmé, mais très vite secoué car déboule un roulement de toms et de caisse claire, et c’est parti pour un assaut sonore et sonique de black metal au chant déchirant interprété par Logos, parolier et screamer attitré. Les riffs de guitares sont véloces et incisifs, le tempo à la batterie proche de 300 bpm, et la rage se fait entendre ! Quelle intensité, mes gens ! Si ce premier morceau est long, il regorge d’un break fracassant, avant des parties heavy à souhait, avec même des mosh parts. Puis vient le single « Les Mammonites » déjà dévoilé plus tôt via la compilation 2023 du label Les Acteurs de l’Ombre Productions. Lancé à deux-cent à l’heure, Pénitence Onirique part là aussi non-stop, tout droit et de manière continue, un peu comme Marduk le faisait à ses débuts sur son album Heaven Shall Burn… When We Are Gathered ou Dissection car en plus mélodieux. Heureusement quelques rares breaks d’une fraction de secondes surgissent ici ou là, mais Pénitence Onirique vous hypnotise littéralement après vous avoir scotché au mur des lamentations. La mélodie des riffs de guitare vous prend véritablement aux tripes, et alors des growls se font entendre après une salve de screams chantés en français. Quelques interjections de Logos, puis un break lourd arrive, et c’est reparti à fond la caisse. Ce second morceau, à la fois déchirant et consistant, fera un malheur sur scène, sans aucun doute.

Les hostilités se calment un peu, un jeu de plusieurs guitares, l’une ambiante et une autre lead saturée sur une rythmique lancinante, nous berce alors. Il s’agit de la chanson-titre. On assiste là comme à une contemplation auditive, l’œil hagard, un peu perdu et déboussolé par les deux précédentes salves qui étaient d’une violence cathartique. Toute en progression, la batterie vient nous ressaisir. Puis une ligne de basse introduit « …Lama Sabachtani », un quatrième titre instrumental mélancolique et progressif. On reprend notre souffle avant d’aller côtoyer le diable en personne. Car le black metal, c’est aussi, et surtout, Satan ! Sans tomber dans les clichés du genre, nos six Français remettent les gaz à cent à l’heure sur « Je Vois Satan Tomber Comme L’éclair ». Le rythme est rapide, le chant féroce, et les guitares affutées comme jamais. Si le riff paraît un poil répétitif, il y a toujours cette guitare lead qui vous entraîne dans cette spirale infernale. On ne sait plus alors quel ange, ou archange, suivre dans ces ténèbres où parfois surgit un éclair de lucidité. Séquence émotion, comme sur « Nature Morte ». On apprécie une nouvelle fois les paroles de Logos exprimées dans un français recherché. Sur une intro au rythme hypnotique, « Pharmakos » arrive tout doucement jusqu’à un break lourd aux guitares heavy et presque groovy avec ce bend de corde de guitare, puis la sauvagerie repart ! Si le terme « pharmakos » désignait jadis dans la Grèce antique la victime expiatoire dans un rite de purification et fut très utilisé dans les sociétés primitives, le mot a fini par prendre le sens, en grec à l’époque classique, de « malfaiteur ». Nul ne connait véritablement ici, mais nos Français n’ont pas volé leur séduisante recette de black metal à la fois mélodique et accrocheur par ses claviers modernes qui détonnent. Quelques narrations par-dessus un superbe solo de guitare font place, et ça repart. Morceau épique, « Pharmakos » vous séduira à coup sûr. Enfin, car toute bonne chose a une fin, le titre « Les Indifférenciés » achève ce disque colossal de manière épique là aussi. Des nappes de claviers viennent vous enchanter, puis sur un riff lourd et une rythmique plombée, les growls et les screams de logos s’entremêlent encore pour arriver à un climax salvateur. Quelques soli lumineux tentent de percer cet amas de douleur et de peine. On flirte là entre le black et le doom/death metal lyrique à la My Dying Bride. Magnifique conclusion.

Excellement produit à la maison au DNI Studio, Nature Morte contient ainsi sept plages, tels les sept péchés capitaux, qui, tantôt vous cueillent, vous bercent un instant, puis tantôt vous déchirent et vous transportent dans les limbes du désespoir, de la rage, mais avec toujours un regard avisé, des paroles intelligibles scandées dans la langue de Molière, à travers lesquelles le chanteur et tête pensante de Pénitence Onirique exulte ses démons, ses sentiments et visions oniriques mais aussi cauchemardesques. Nul doute que ce formidable fleuron de la scène black metal à la française saura conquérir un public bien au-delà des frontières de l’Hexagone. Reste juste à muscler davantage ses concerts où le groupe a tendance à rester trop statique, et ce, même si dans le black metal c’est voulu et souvent le style (les Lituaniens d’Au-Dessus ne bougent pas non plus d’un poil, par exemple, sur scène). Nos six Français pourraient, pourquoi pas, s’inspirer à l’inverse des black metalleux portugais de Gaerea, qui proposent des sets dynamiques tout en étant cagoulés eux-aussi et vêtus de noir. Mais Pénitence Onirique possède néanmoins son identité déjà forte et séduisante, et cet atout personnel, elle doit le garder et le développer, à l’instar chez nous de ses compatriotes de Regarde Les Hommes Tomber ou Déluge. Un splendide troisième opus, à la fois passionné et passionnant, que nous livrent donc là ces pénitents oniriques. [Seigneur Fred]

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