Si nos voisins belges nous envoient de temps à autre de très bonnes formations musicales (metal, hardcore, ou tout simplement rock comme dernièrement), en matière de black metal plus précisément, le pays des frites et de Channel Zero regorge aussi de formations extrêmes qui ne demandent qu’à se développer et dépasser nos frontières. Tenez, prenez par exemple ce nouveau combo belge Räum originaire de Liège. Attention, rien à voir avec un nom de secte ici, et il ne faudrait pas non plus confondre avec le one man band RüYYn, également signé sur le même label français que l’on connaît bien (Les Acteurs de l’Ombre), et dont nous avions apprécié son premier EP… Non, ici on parle bien de Raüm et de son premier opus, Cursed By The Crown. Apparu sur la scène il y a seulement trois ans, Räum propose quatre longues plages qui constituent bel et bien ce LP, et non un EP, l’ensemble avoisinant tout de même les trente-sept minutes. Mais qu’importe le flacon pourvu que l’on ait l’ivresse, et on l’a. Dès le premier titre « Andromeda » avec son riff glacial et répétitif, c’est à fond les ballons et avec sauvagerie que nos quatre musiciens distillent un black assez linéaire à la première écoute, sous les cris sauvages d’Olivier Jacqmin. Rien de très original, vous direz-vous, mais quand sa deuxième partie ralentit peu à peu, on baigne davantage dans un post black aux atmosphères hypnotiques avec ces guitares en arpège en fond, alors que les riffs cisaillent toujours et que le rythme réaccélère avant de finir en douceur. On pense alors bien évidemment à nos pointures françaises du genre comme Regarde Les Hommes Tomber ou Déluge, mais aussi aux Lithuaniens d’Au-Dessus. Puis la chanson-titre envoie tout autant du bois, avec ce chant venimeux particulièrement convaincant, et les breaks font mal par où ça passe, le batteur Xavier Legrand martelant ses peaux avec fracas. Vers le milieu du morceau, une accalmie survient. L’ambiance dark se veut plus épurée, une voix masculine évoluant entre narration et chœurs. S’instaure un rythme plus lent, les hostilités prennent alors fin de manière décroissante. C’est sombre, mortifère, et incroyablement heavy.
Plus varié, « Fallen Empire » continue cette sombre décadence, d’abord dans la violence, puis ce break atmosphérique évoquant un peu les abysses de Triptykon avec de nouveau cette voix narrée, presque chantée. On attend d’ailleurs la nouvelle cuvée pour bientôt si notre vieil ami Tom G. Warrior travaille bien… Sur une mélodie de guitare dissonante, la furie reprend jusqu’au bout, le compteur affichant plus de huit minutes de ténèbres. Enfin, dans un registre black plus classique, entre un vieux Satyricon et Darkthrone (enfin tout est relatif mais il y a un petit quelque chose), « Beyond the Black Shades of the Sun » nous amène à la dernière ligne droite. Les riffs de guitares sont particulièrement bien sentis, et ce chant toujours aussi habité. Vers la fin, plus expérimentale, une dernière mélodie d’arpèges permet de conclure de façon plus nuancée et apaisée.
Nos quatre Liégeois réussissent à développer leur style même si les références sont là, mais relativement discrètes et digérées. La formule intensité/accalmie fonctionne assez bien, sans tomber non plus dans le côté binaire de la chose. Tout n’est pas blanc ou noir comme on pourrait le croire à la vue de la pochette de ce premier essai remarquable d’intensité et d’émotion. Malgré la noirceur ici, l’avenir de Räum s’annonce radieux. [Seigneur Fred]
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