
C’est sur une intro typique du thrash US de la Bay Area alors qu’ils n’en ont jamais fait partie (quelques doux arpèges suivis d’une puissante montée de guitare électrique et batterie à la « Creeping Death » de Metallica) que démarre ce, seulement, sixième album studio des Américains de Sadus en presque bientôt quarante ans d’existence !! Bon, il faudrait retirer le mini-break qui survint entre 2015 et 2017 chez le groupe culte d’Antioch, situé à une petite centaine de kilomètres de San Francisco, à l’est de la Californie ! Mais finalement le batteur vétéran Jon Allen s’associa de nouveau avec son acolyte de la première heure, le guitariste/chanteur Darren Travis, en 2017, sans rien enregistrer depuis le précédent album Out Of Blood qui déçut clairement tout le monde avec ses claviers en 2006… Un discret Live In Chile en 2015 ne put contenter les aficionados de Sadus. Alors il était temps de passer dorénavant aux choses sérieuses !
C’est très classique, old school, mais ça envoie toujours ! « First Blood » porte bien son nom. D’entrée, le duo californien renoue avec le thrash technique de Sadus : une approche old school mais légèrement mise au goût du jour. Le son de batterie et les guitares sonnent plutôt vintage avec cette vieille réverbération en fond sonore. Les riffs sont racés et incisifs, et le chant hargneux de Travis, nous fait hérisser les poils de thrasher/thrasheuses sous nos perfectos, tout en nous donnant l’impression que le temps s’est arrêté à la fin des années 80, à l’époque des Forbidden, Exodus, etc. Après ce premier jet sonore et sonique plutôt long, il laisse place à « Scorched And Burnt », un morceau plus alambiqué et très heavy, sur lequel parfois on aimerait presque que le frontman cesse de grogner afin d’apprécier la partie instrumental, comme sait peut-être mieux le faire parfois leurs confrères d’Atheist dont on aimerait bien au passage un nouvel album (on a toutefois pu se contenter cet été du side project Till The Dirt de son chanteur Kelly Shaefer que nous avions chroniqué entre deux festivals). Puis « Hit The Sickness » tabasse pas mal, toujours dans un registre old school, sans trop de prise de risque, mais avec ce qu’il faut pour retenir l’attention d’un fan de techno-thrash normalement constitué : breaks en veux-tu, en voilà, ponts, mais côté solo de guitare, c’est plutôt la vache maigre côté shredding. Dommage. Le plus menaçant et incisif « Ride The Knife » se fait plus agressif, et là enfin on a un solo de bonne facture à la fin de la chanson.
Sur « Anarchy », c’est le chaos, et le batteur Allen se déchaîne derrière ses fûts. Il y a un côté punk et sauvage ici, rappelant que le thrash est né du mélange du heavy metal et du punk rock au début des années 80… Une voix grave plus hardcore se fait entendre furtivement dans les chœurs : il s’agit du producteur de l’album, Juan Urteaga (ex-Vile) qui vient pousser la gueulante sur ce furieux titre. Quant au missile suivant, « The Devil In Me », il porte admirablement bien son nom tant le guitariste/chanteur Darren Travis semble habiter. On se croirait dans le film L’Exorciste tellement il vomit ses paroles par-dessus ses parties de guitares et de basse qu’il assure ici en plus tout le long de l’album.
Les quatre derniers morceaux de The Shadow Inside se veulent un tantinet plus recherchés et progressifs. « Pain » avec sa longue intro permet de donner davantage d’espace aux instruments, et sur un ton toujours aussi menaçant et très heavy, on prend le temps d’apprécier la technicité de Sadus qui en fin de compte n’a pas trop vieilli et n’a pas à rougir face aux hordes de nouveaux combos de thrash un peu partout sur la planète ces dernières années. Sur le huitième morceau bien speed et nerveux, « No Peace », on appréciera le solo de guitare de Claudeous Creamer (Possessed) qui apporte un vrai feeling à la chanson très réussie dans son ensemble. En fait, plus on approche vers la fin de l’album, et on dirait que les médiators se délient, à l’agressivité succède plus de mélodie, voire la mélancolie (l’interlude instrumental « New Beginnings », quelque part entre « Until It Sleeps » de Metallica et un blues moderne). Est-ce là le signe d’un nouveau départ pour Sadus, comme le nom de cet instrumental choisi avec soin par le duo de choc californien laisse à penser ? Et sur l’ultime chanson-titre, « The Shadow Inside », on revient à un heavy/thrash très lourd et hargneux classique, avec une basse omniprésente, pour un résultat costaud et concis.
Dans tous les cas, sur la fin, les membres de Sadus ont tendance un peu à se lâcher, à innover, à polir leur thrash technique, comme ils le firent à leur apogée sur les albums Swallowed In Black (1990) et A Vision Of Misery (1992), sans être trop nostalgique durant tout la durée de ce sixième opus réussi et plutôt séduisant, mais qui nécessite tout de même plusieurs écoutes pour totalement l’apprécier et en tirer la substantifique moelle. La seconde partie de l’album, à partir de la septième plage « Pain », s’avère justement plus recherchée et contemporaine. Reste à savoir si Sadus y donnera une suite assez rapidement sans splitter, ou alors dans une dizaine d’années, mais là, il sera alors peut-être trop tard pour un retour. [Seigneur Fred]

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