
C’est par un drôle d’effet folk/bluesy interprété à la guitare électrique (genre qu’apprécie de plus en plus le guitariste/chanteur Kyle Rasmussen (lire notre interview)) aux sonorités dérangeantes annonciatrices d’un massacre sonore (dans le bon terme ici) que s’ouvre ce deuxième méfait de Vitriol. Ce premier titre s’appelle « Shame and its Afterbirth ». Et croyez-nous, savourez cette intro, car vos oreilles vont ensuite souffrir ! Suffer & Become porte d’ailleurs bien son nom (dans le bon sens du terme, encore une fois) et s’annonce déjà comme la première grosse claque death metal de ce début d’année en provenance de l’Oncle Trump, pardon, l’Oncle Sam. Le metal de la mort de nos quatre Yankees s’avère à la fois moderne, technique, et brutal, et d’une bien plus grande musicalité qu’on pourrait le croire. Durant les dix nouveaux commandements que nous offrent nos serial killers de l’Oregon, on ne sait plus tout bonnement où donner de la tête, entre l’avalanche de riffs mammouth (« The Isolating Lie of Learning Another « ) et toujours plus vicieux les uns que les autres (« He Will Fight Savagely ») rappelant à la fois Aborted, Hate Eternal, Morbid Angel, et Nile, des soli de guitare déchirants tout en trémolo et shredding, le tout sur fond de blasts beats d’une batterie destrutrice forcément triggée (nécessaire ici à +300 bpm, après on aime ou pas, mais saluons le boulot accompli par le batteur Matt Kilner, quel « killer » celui-là ! ;-)). Et que dire des growls et screams plus que convaincants de la part des deux co-leaders ?
Musicalement, si l’on décortique encore plus la bête qu’est Vitriol, sur un morceau comme « Weaponized Loss », on flirte même avec le black metal speed et ésotérique d’Absu (le fameux groupe américain de black metal de Prescriptor McGovern a malheureusement splitté mais il continue sous son propre nom). Kyle Rasmussen nous avouera qu’il est un gros fan lors de notre entretien à propos de l’origine du nom du groupe Vitriol, rappelant le nom du premier LP d’Absu. Mais alors où est l’originalité dans tout ça si leurs influences sont évidentes et trop palpables sur ce nouveau disque ? Quel intérêt d’écouter Vitriol aujourd’hui parmi les nombreuses sorties death metal brutales et techniques envahissant les bacs et la toile chaque jour ? OK, on se calme. Déjà, primo : la technicité et l’impact du metal extrêmement féroce de Vitriol en impose. En second lieu, la production sonore en impose aussi. Signée Dave Otero (Archspire, Allegaeon, Cattle Decapitation, Cephalic Carnage…), c’est vraiment du costaud ici et très contemporain. Les références de son CV vous donnent déjà un très bon aperçu des péchés du bonhomme en studio. Tertio, la technicité est ici au service de la puissance et de l’émotion quand bien même on nierait cette dernière (le splendide interlude instrumental « Survival’s Careening Inertia » permettant une respiration dans ce chaos maîtrisé). On distinguera aussi parfois des claviers subtils en fond, à l’instar de Cattle Decapitation (encore) ou Belphegor. Ceux-ci renforcent les passages plus mélodieux, mais bien sûr, nous ne sommes pas ici dans la pop, ni non plus dans le death metal mélodique scandinave, on est bien d’accord ?
Mais revenons au chant évoqué précédemment. L’autre atout majeur du quatuor de Portland, c’est cette dualité vocale partagée entre le guitariste intégralement tatoué Kyle Rasmussen, et le bassiste moustachu Adam Roethlisberger (lui aussi tatoué mais bon on s’en fiche, c’est juste pour vous permettre de les reconnaître depuis le pit quand vous vous prendrez la déflagration sonore en concert et comprendrez votre douleur). Ce double chant apporte un réel dynamisme dans les compositions alambiquées mais toujours frontales quand même de Become & Suffer. Ceci constitue alors un point musical central chez nos Yankees, faisant concurrence au passage à dans Cattle Decapitation, influence majeure ici à la différence près que chez le groupe de San Diego, Travis Ryan fait ça tout seul. On est ici de même à la frontière du brutal death et du grindcore, avec une même vision lyrique de l’espèce humaine partagée, une même noirceur qui engendre la propre chute de l’Homme sur Terre (les exemples dans notre triste actualité ne manquent pas comme arguments). Mais les paroles de Rasmussen, très colériques ici, sont toutefois d’inspiration plus profondes, plus personnelles, comme sur l’intense « The Flowers of Sadism » où il regrette certaines choses de son passé et sa jeunesse (qui n’a pas fait de connerie un jour ?), le poussant parfois à la folie mentale (après tout, un artiste comme Van Gogh n’a-t’il pas réalisé ses plus belles œuvres à s’en mutiler l’oreille ?). Le malaise est cependant palpable et la musique fait office encore plus ici de véritable catharsis chez notre guitariste/chanteur tatoué terriblement sincère quand on l’interroge à ce sujet. Mais il va mieux, il avance, et ces quatre dernières années, Rasmussen et son acolyte ont peaufiné jusqu’aux moindres détails ce second effort qui s’avère comme un manifeste de metal extrême personnel et diablement viscéral. La puissance, l’émotion, la technicité, le style, et une détermination sans faille, bref, tout est au rendez-vous et aux petits oignons pour vous faire pleurer, vous mettre à genoux face à une telle offrande aussi méchamment réussie. Ainsi, après la souffrance, vient le succès, et c’est tout le mal que l’on souhaite aux membres de Vitriol avec cet album tout simplement énorme de bout en bout. [Seigneur Fred]
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