CULTURA TRES : Camino de Brujos

Camino de Brujos - CULTURA TRES
CULTURA TRES
Camino de Brujos
Thrashcore/sludge metal
Bloodblast/UMC

Le monde est plein de paradoxes : il n’y a jamais eu autant de richesses produites sur notre planète, et l’écart entre les pauvres et les riches ne s’est jamais autant creusé, problème de répartition des richesses oblige (certes, nous sommes plus nombreux sur Terre.) ; il y a de nombreuses offres d’emploi non pourvues chaque jour, et en face des demandeurs d’emploi qui ne trouvent pas d’offres… Et la liste est longue… Tenez maintenant, prenez le cas qui nous intéresse à présent : Cultura Tres et leur nouvelle bombe Camino de Brujos. ( « Le chemin des sorciers » en espagnol). Les trois artistes vénézuéliens, formés sous l’égide des frères Montoya en 2006, ont des propos clairement revendicatifs (société, politique, religion, etc.), le thrash, le hardcore ou le sludge étant connus pour avoir des textes engagés, plutôt à gauche sur l’échiquier politique, afin de mieux dénoncer les maux et autres injustices de nos sociétés contemporaines. Et étonnamment, leur cinquième galette sort chez Bloodblast en Europe, mais en Amérique chez Universal Music ! Jolie contradiction d’avoir signé un deal pour l’Amérique du Sud, Centrale, et du Nord, avec le plus grand major mondial pour un groupe clairement anticapitaliste, non ?

https://youtu.be/JmEBAYoUREE

Allez, fin de la parenthèse, et cessons là les taquineries envers Cultura Tres qui a vu l’arrivée du bassiste Paulo Pinto Jr (Sepultura) en 2019 et qui a proposé ses services sur Camino de Brujos. Musicalement, on baigne dans un thrashcore à la fois old school, très typé 90’s, avec en même temps quelques sonorités sludges plus modernes, le tout sur fond de revendications comme évoquées précédemment. Il faut dire qu’au Venezuela, comme ailleurs en Colombie, Pérou (souvenez-vous de notre récente interview de Spectral Souls), ou au Brésil avec sa dernière élection présidentielle plutôt mouvementée, il y a de quoi être vénère avec tout ce qui se passe au quotidien (corruption, etc.), bien plus que dans notre beau pays… Il y a souvent pire ailleurs malheureusement. Alors dans tout ça, forcément comment ne pas penser, que ce soit instrumentalement parlant ou vocalement, à l’ombre des Chaos A.D., Roots et autres classiques de Sepultura qui plane ici ( « The Land » et son refrain massif à la « Territory », « The World And Its Lies » ). Tout ce qui tourne plus globalement autour du fameux quatuor brésilien vient à l’esprit, comme le regretté side-project Nailbomb avec Max Cavalera et Alex Newport, sur l’uppercut « Zombies », sans le côté industriel ici cependant. Quoiqu’ensuite, durant une minute, l’instrumental en clin d’œil à leur ville natale au Venezuela (« De Maracay » ) est trompeur… En outre, la voix d’Alejandro Londono Montoya rappelle un peu celle de Max, dans un timbre un peu plus aigu néanmoins. Et puis il y a cette rage caractéristique des groupes sud-américains, cette grinta, qui fait mouche à chaque rythmique brise-nuque ou dans les riffs assassins des deux frérots Montoya ( « The World And Its Lies », « Time Is Up », « Proxy War » …).

Ce qui surprend et séduit également chez Cultura Tres, ce sont les passages plus metal et rock stoner plus classique dans la structure des morceaux, voire progressifs par moment. Oui, oui, vous lisez bien, ceux-ci apportant ainsi à l’attitude punk/thrash prédominante un peu de mélodie et de diversité dans le propos très colérique de nos Sud-Américains ( « Signs » et son intro, puis son break central avant une superbe envolée sur la fin, le heavy « The Land », ou encore « 19 Horas » et son côté psychédélique, presque hypnotique). Tout n’est donc pas que violence ici finalement dans le cœur de nos quatre mercenaires, comme on pourrait le croire au départ avec cette production sonore assez spartiate enregistrée en Europe aux AJM Sound Studios à Amsterdam (sauf la basse de Paulo Jr au Brésil).

En conclusion, si vous aimez les anciens Sepultura dans sa période faste et novatrice (Chaos A.D./Roots), mais aussi de vieilles formations aujourd’hui disparues comme A.N.I.M.A.L. (Argentine), ou les biens vivants Ill Niño (bientôt de retour avec Marc Rizzo (ex-Soulfly) à la guitare) mais sans le côté new metal, et plus récemment Extinction A.D., nul doute que pour enrichir votre culture thrash et sludge, cette cinquième bombe sud-américaine fera son petit effet, même si l’on est loin de l’album de l’année du fait de plans déjà vus et entendus il y a une trentaine d’années. Pour autant, la rage, l’attitude, et ce mélange thrash/punk/sludge a minima novateur, sont au rendez-vous, et ça, c’est déjà pas mal dans ce monde fait d’ordre et de chaos. [Seigneur Fred]

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