DEICIDE : Pécheurs devant l’Éternel

13, c’est un chiffre clé et bien souvent un porte-bonheur dans la vie, ou bien malheur quand on est superstitieux. Et Banished By Sin constitue justement le treizième méfait studio de la bande à Glen Benton. Toujours basé du côté de Tampa en Floride, Deicide perpétue son death metal blasphématoire (un pléonasme) qui ne s’assagit guère avec les années, cette légende existant depuis tout de même depuis 1989 (auparavant sous le nom d’Amon) ! Alors quand il s’agit d’interviewer son leader, rarement aimable dans le passé avec les journalistes (et même parfois auprès des fans, on se souvient encore de lui et des frères Hofmann donner des coups aux spectateurs du premier rang du Gibus à Paris avec leurs pics sur leur genouillères à la fin des années 90/début 2000), on s’aperçoit qu’avec le temps, ce dernier est devenu plus sympathique, et même enclin à la rigolade entre deux péchés. [Entretien intégral par Zoom avec Glen Benton (basse/chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Salut, comment vas-tu ? (Ndlr : Glen Benton commence lui-même l’entretien)

Salut Glen ! Je vais bien, merci, et toi ? Je t’attendais, car on s’est manqué la semaine passée…
Ouais, on a enfin réussi à trouver un moment pour tous les deux, on dirait…

Il est vrai que la semaine dernière, je t’ai attendu… Je crois savoir que tu étais en répétition avec le groupe et as zappé notre rendez-vous… (sourires)
(Ndlr : il me fait répéter car il perd ses écouteurs sur son mobile) Ouais, ouuais, absolument. Je me rappelle. Excuse-moi.

Bon, alors tu es pardonné, on va dire que c’est pour la bonne cause si vous répétiez les nouvelles chansons ! (rires)
(rires, suivis de rires moqueurs face à mon accent français…)

En général, j’ai l’habitude d’interviewer ton fidèle batteur, Steve Asheim. Cela faisait un bail nous deux… Quelle est ton humeur, toi et celles des autres membres au sein du groupe à un mois de la sortie du nouvel album studio de Deicide ?
L’ambiance est plutôt très bonne, mec. Les choses reprennent bien pour nous, et je suis impatient que les gens l’écoutent !

Alors Banished By Sin est donc ton treizième album studio. Treize ! Es-tu du genre superstitieux comme gars car il s’agit là très chiffre très spécial… ? (sourires)
(rires) Bien vu… Non, je ne le suis pas, mais je pense qu’il s’agit en fait d’un bon chiffre, 13, tout comme 666, etc.

D’ailleurs, si ma mémoire est bonne, le chiffre treize n’existe pas aux États-Unis dans les ascenseurs des immeubles car il n’y a pas de treizième étage généralement…
(Ndlr : il me fait répéter car il n’entend pas) Ouais, c’est tout à fait vrai, exact.

Au fait, parles-tu un peu français à force de venir nous voir en Europe ?
Non. (rires) Désolé…

DEICIDE live@Motocultor Festival 2023 – Carhaix (FR) (photo : Seigneur Fred)

Bon, passons aux choses plus sérieuses. Je t’ai vu live l’été dernier au festival français Motocultor (lire notre live report du festival Motocultor en août 2023) lors d’un show inédit puisque Deicide donnait un set spécial axé sur Legion, votre second album culte, interprété dans son intégralité. J’étais dans le pit, mais tu n’as pas donné d’interview, alors que le nouvel album était déjà prêt. Tu aurais pu déjà nous en parler. Pourquoi ?
Hum… Quand je suis en tournée, en général, je n’aime pas trop voir la presse. J’aime rester tranquille et voyager en prenant mon temps, les vols en avion, etc. et je veux rester concentré sur ce que je vais jouer en concert. Je ne m’occupe donc pas trop des interviews sauf cas exceptionnels. Parfois, ça peut le faire au niveau du planning, mais généralement, on est en retard, c’est la course, on reprend le tour bus, etc., donc on n’a pas spécialement le temps. C’est donc compliqué de caler des interviews avec la presse. Mais ça arrive que j’en accorde.

Tes camarades de Marduk ou Watain que tu connais bien, mais aussi Hatebreed, ou Wardruna, en ont donné toutefois. Après, je me suis dit aussi que peut-être c’était encore un peu trop tôt pour parler de ce nouvel album étant donné que sa promotion n’était pas commencée officiellement, mais il était prêt, n’est-ce pas ?
Ouais, c’est vrai. Mais on voulait être tranquille et en gardant la main dessus et attendre un peu pour nous poser et aborder ça en toute sérénité une fois rentré à la maison. Là, les relations avec la presse pouvaient alors commencer plus tard, chaque chose en son temps. Et nous y voici !

Et quel souvenir gardes-tu de ce concert spécial Legion donné au Motocultor en France ? J’ai adoré, quelle intensité ! Ça n’a pas vieilli !
(rires) Ouais, je l’aime toujours, c’était super. C’était un super moment avec les fans et pour nous à ce festival plein de succès, très populaire. On a passé un chouette moment même si l’on a égaré certains matériels en vol durant le voyage aérien. Mais on a pris du plaisir.

Dans tous les cas, c’était inédit comme show. A présent, parlons du nouvel album. Tout d’abord, il sort sur le même label que Kerry King et son premier album solo, Reigning Phoenix Music, après que vous ayez fini votre contrat en 2018 avec l’album Overtures of Blasphemy. Pourquoi ce choix et peux-tu nous en dire plus sur ce label ?
Eh bien, on a été approché par Gerardo Martinez and Sven Bogner du label il y a déjà quelques années. On avait bien discuté. Je lui avais dit que l’on recherchait un nouveau label à présent. Ils sont fans du groupe et veulent faire de superbes choses avec nous. Ils font du bon boulot pour le moment, ce qu’ils font, du moins, ils le font bien, par exemple les relations presse avec toi, tout est très fluide et ça fonctionne bien. Ils s’occupent de l’album, de la réalisation des vidéos, ça me va. Ils ne sortent pas non plus une tonne d’albums, donc « so far, so good ! » (Ndlr : « jusqu’ici, tout va bien ! »). (sourires)

Peut-on parler d’un nouveau départ en 2024 pour Deicide en quelque sorte ?
Oui, je le pense ainsi. Nous allons faire les choses différemment maintenant.

Si l’on revient au précédent album, Overtures Of Blasphemy, paru en 2018. Depuis, beaucoup de choses se sont passées dans le monde. Du coup, tu as le temps de préparer ce nouvel album avec Steve et les autres membres. As-tu changé ta manière d’aborder la musique et de travailler quand tu as commencé à composer Banished By Sin ? J’ai l’impression qu’il y a eu une nouvelle dynamique et puis vous avez eu le temps durant la pandémie…
Comme tu dis, la crise du covid est survenue, et dans notre cas, on a vraiment eu la chance de pouvoir finir à temps notre tournée mondiale pour Overtures Of Blasphemy. Au retour, on a pris les choses comme on a pu, en se disant : « bon, si tout est fermé, en attendant, concentrons-nous sur le prochain disque ». On a donc eu le temps pour chacun d’apprendre, de rechercher, travailler, expérimenter et se focaliser sur de nouvelles compos. On a réussi à assembler les morceaux, chacun d’entre nous amenant en moyenne trois chansons. Ensuite, on s’est retrouvé une fois que chacun avait ses parties. Steve à la batterie, et Kevin et Taylor, les deux guitaristes. On a tout assemblé petit à petit. D’un autre côté, on avait que ça à faire, on avait du temps libre, et aucune pression car nous n’avions même pas encore de label. On a donc travaillé différemment, enregistré avec nos amplis de concerts, en s’enregistrant par téléphone. Au final, on sonnait live, brutal, avec un son old school, et c’est tout ce que l’on aime et a obtenu ! (sourires) Josh Wilbur ensuite a enregistré et mixé le disque.

Qui a produit le nouvel album Banished By Sin ?
En fait, c’est nous qui l’avons produit. Josh Wilbur l’a mixé et sonorisé avec Taylor.

Oui, un nouveau second guitariste est arrivé au sein du groupe en 2022 : il s’agit de Taylor Nordberg (Dritt Skit, Eye Of Purgatory, The Absence, …) qui, je trouve, a pas mal apporté dans les mélodies à la guitare…
Oui, il est très occupé avec tout un tas de groupes, c’est un peu Superman. (rires) Il a écrit seulement trois chansons cependant, comme les autres, mais son apport est incontestable. Il est aussi ingénieur du son, donc il a participé à l’album aussi en studio, au côté de Josh Wilbur. Il a fait les prises en studio, et on a pas mal bossé chez lui au départ. On a mis les choses sur la table, et il y a beaucoup contribué. Deicide possède désormais une super équipe là avec Kevin et Steve.

Comment Kevin et Taylor se répartissent alors les soli de guitare entre eux sur les nouveaux morceaux ?
Ils s’arrangent entre eux, un coup c’est l’un, un coup c’est l’autre. Ils font comment ils veulent. (rires)

Et les chœurs et growls supplémentaires que l’on entend en plus, c’est eux aussi en studio ?
Non, c’est moi qui enregistre toutes les voix (growls principaux et chœurs) en studio. Mais en live, oui, ils assurent les chœurs à mes côtés.

Je trouve ce treizième album Banished By Sin finalement très frais. C’est technique, toujours aussi brutal, mais un peu plus varié et ça sonne frais. On peut se souvenir des riffs, des breaks, il y a plus de diversité, ce qui n’est pas toujours le cas dans certains groupes de death metal actuel plutôt formatés. C’est dynamique. C’est ton but quand tu composes et enregistres des chansons ? Tu penses à leur impact live ? Qu’est-ce que tu en dis ? Je ne sais pas si tu comprends ce que je veux dire…
(éclats de rires) Ouah ! Merci, c’est trop là mais c’est toujours bon à prendre, mec… (rires) Nous avons écrit l’ossature des morceaux, chacun trois morceaux en fait. Puis on pratique, on s’entraîne seul, puis entre nous. Ensuite, quand on assemble le tout, chacun a son mot à dire et on voit ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas une fois que l’on joue toute la chanson. A la fin, quand il est tard, on se dit si c’est un bon morceau ou pas, on le garde ou pas. On rajoute des mélodies et eux leurs solos de guitares. Mais tu sais, on est  tous de vieux metalleux, donc avec l’expérience, je sais ce qui fonctionne ou pas, ce qui sonne bien ou pas, si c’est heavy ou pas. Nous sommes nos propres critiques. On s’interroge, et on garde le meilleur, sinon on jette. Chacun dit son mot. Et ce que je sais, c’est que quand je compose et écris les paroles, il faut que ce soit catchy, immédiat.

Quand tu bosses chez toi justement durant la création des principaux riffs et tes paroles, tu pars en jouant de ta basse, ou bien tu joues à la guitare ? Comme fonctionnes-tu de ton côté ?
Je possède une basse acoustique, et j’ai aussi une vieille guitare Gibson J-45 acoustique customisée. Voilà.

Et ensuite, comment la magie opère ? Après une soirée durement arrosée par exemple ? Vous faut-il beaucoup de whisky, de bourbon, et de marie-jeanne comme ton batteur Steve Asheim qui m’avait confié beaucoup en consommer… (sourires)
(rires) C’est vrai ! Moi et Steve ont adeptes, et de grands consommateurs d’herbe. (rires) Les gens me demandent souvent ça… Mais je me teste régulièrement car sinon je me ferai virer de mon job à côté. Quand j’écris des chansons, je descends simplement quelques bières le reste du temps car sinon l’herbe altérerait trop ma mémoire à force, tu comprends. Mais ça me permet de mieux me détendre le soir.

Pourquoi ne pas avoir inclus treize chansons mais douze dans ce treizième album studio ? (sourires)
C’est une bonne question. (rires) Je pense que la maison de disques proposera une treizième piste en bonus parmi les deux ou trois chansons qu’il restait et que nous leur avons livrées. Mais propose-leur à la prochaine réunion du jour… (rires)

Avez-vous l’intention de jouer entièrement Banished By Sin sur scène lors de vos prochains concerts en tournée ? Tel un challenge, en serais-tu capable, tout comme tu l’as fait avec Legion l’an dernier ?
Ouais, ce n’est pas un problème. On a passé tellement de temps à composer les morceaux, à les bosser, là on les répète ensemble. Donc, tu vois ce que je veux dire, on a donc eu tout le loisir pour ça et on est plus que prêt. Mais oui, on pourrait, on étudie ça. Je ne sais pas encore. Là on fait tourner cinq nouvelles chansons.

Peux-tu m’en dire davantage sur deux chansons situées au début de l’album et que j’ai plus remarquées : « Doomed To Die », et « Sever The Tongue » dont on a pu découvrir le vidéo clip officiel non censuré très sanglant dernièrement… ?
OK. C’est Kevin (Ndlr : Kevin Quirion (guitare, chœurs)) qui a écrit « Sever The Tongue » ; et moi, j’ai écrit « Doomed To Die »…

Quelles sont les nouvelles d’Order Of Ennead, le side-project de Steve, ton batteur ? Prépare-t’il un nouvel album studio car on aime particulièrement ce qu’il fait ici à Metal Obs depuis des années ?
Je ne crois pas. Cela fait longtemps que j’ai rien entendu à ce sujet de sa part…

Et que devient ton fils, Daemon, dont on avait appris l’existence il y a déjà bon nombre d’années ? Quel âge a-t’il aujourd’hui ?
Hum… J’ai deux enfants, deux fils, à présent, dont le deuxième, le dernier, s’appelle Vinnie (Ndlr : Vinnie Bent). Il a vingt-deux ans. Quant à Daemon (Ndlr : Daemon Michael Benton), l’aîné, il a trente-deux ans maintenant. Il a bien grandi depuis ! (rires)

Jouent-ils de la musique ou chantent-ils ? Et tout spécialement du death metal ?
Alors Daemon est un excellent guitariste, et Vinnie, lui, est plus branché musique électronique et beats qu’il crée.

Pourraient-ils t’accompagner comme les fils de Max Cavalera (Soulfly, ex-Sepultura, Go Ahead And Die…) ou bien comme Sebastian, le fils de Peter Tägtgren à qui j’avais posé la même question pour Hypocrisy ou Pain en 2021 ? A l’époque, comme il avait encore Horgh (ex-Immortal) dans ses rangs, il m’avait répondu que c’était inutile étant donné qu’il avait le « meilleur batteur du monde ! ». Depuis, Horgh a quitté Hypocrisy et c’est son fils Sebastian qui joue live de la batterie parfois dans Hypcocrisy et aussi Pain en concert ! (rires)
Euh… Non. Il vaut mieux qu’ils restent sur le côté de la scène, j’ai déjà des musiciens à mes côtés. C’est mieux ainsi, je pense. (rires) Et puis ils travaillent déjà ailleurs, et sont bien assez occupés dans ce qu’ils font de toute manière…

Suis-tu de nouveaux groupes émergents qui arrivent chaque jour sur la toile parmi la scène du metal extrême dans différents genres : black, death, brutal death, grind, doom, dark metal…. ?
Non, pas vraiment. Je n’écoute pas de nouveautés. Je ne suis pas trop les nouveaux groupes.

Beaucoup de jeunes groupes de death metal aujourd’hui se réclament souvent de Deicide. Tu fais partie de leurs influences. Es-tu fier de ce l’héritage de Deicide sur la scène death metal, et même plus large ?
Oui, bien sûr. Absolument.

Votre brutalité, la technicité, tes paroles et cette approche satanique, tout ça a contribué à influencer de nombreuses formations par le passé, comme Marduk avec qui tu as déjà tourné et que tu connais bien. Cela va d’ailleurs bien au-delà des frontières du death et black metal. Et Deicide est toujours présent et actif sur la scène. Avec le temps, j’ai l’impression que même si Deicide va droit au but, il y a des mosh parts, certes rapides, mais quand même, et on note un certain groove dans ta musique, grâce notamment à ta façon de jouer de la basse sur ta Rickenbacker… Bref, c’est très dynamique. Comment tu l’expliques ?
Ouais, on peut dire ça. Je vois ce que tu veux dire. Il faut qu’il y ait ce groove quand on écrit les morceaux et qu’on les joue ensuite. C’est justement ce qui capte et maintient l’attention des spectateurs, tu sais. Donc il y a ces parties groovy. Il faut surprendre les gens et faire en sorte qu’ils ne sachent pas ce qui se passe ensuite, ils deviennent alors fous mais attentifs.

Après, Deicide sonne tout de même différemment de Motörhead, Lamb of God ou DevilDriver (rires), mais il y a ce groove sur Banished By Sin… Maintenant, que souhaites-tu rajouter pour les fans français de Deicide ?
Merci pour le soutien de nos fans depuis toutes ces années. Et merci à toi pour cet entretien, c’était sympa, j’ai apprécié.

Alors on te revoit bientôt en concert en France ? Quels sont les projets en la matière pour cette année ? Une tournée commune Deicide/Kerry King par exemple étant donné que vous partagez le même label ?
(rires) Non, mais bonne idée ! Je crois que l’on va venir faire les festivals européens dès le mois de juin 2024. Et on sera ensuite de retour en avril 2025 un peu partout en Europe, en Grèce, en France, Grande-Bretagne, etc. pour une série de dates.

2025 ?? J’aurai des cheveux blancs d’ici-là ! (rires) Mais on se revoit entre-temps au prochain Motocultor 2024 où vous revenez encore ? Au fait, vis-tu encore à Tampa en Floride ? Quel temps fait-il là-bas ?
(rires) OK. Oui, enfin je vis au nord de Tampa plus précisément, pas très loin. La météo n’est pas terrible, il pleut de la merde… (rires)

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