GRIFFON : Vive la république !

C’est dans le sang et la douleur que De Republica s’attache à défendre nos droits à la liberté. Cette revendication manifeste des fondements de notre belle république est sans équivoque. Fort d’une identité musicale marquée et déjà remarquée sur la scène black metal française grâce à un EP, un split EP avec Darkenhold et maintenant trois albums, Griffon continue sur sa magnifique lancée, et ce, dans la droite lignée d’O Theos O Basileus pour lequel nous les avions alors interviewés. Quel plaisir donc de les retrouver en 2024 pour ce nouvel opus passionnant ! [Entretien avec Aharon (chant) et Sinaï (guitare) par Louise Guillon – Photos : DR]



D’où est né le projet d’écriture autour de De Republica ? Est-ce une façon pour vous de répondre à l’actualité politique française et/ou internationale ?
Sinaï : La partie musicale est liée à mes envies artistiques.
Aharon : Nous sommes inévitablement influencés par notre environnement. Cependant, avant tout, nous avons été guidés par le désir de traiter des questions qui nous tenaient à cœur à ce moment précis comme nous l’avons toujours fait jusqu’à présent.

À la première écoute, De Republica semble avoir bénéficié d’une production plus soignée que ὸ θεὀς ὸ βασιλεὐς. Est-ce là une simple impression ou bien est-ce volontaire ? Est-ce le résultat d’un dur travail de votre part ?
Sinaï : Ça a été mixé et masterisé par Frédéric Gervais. Je pense que la production semble légèrement meilleure, oui, parce que j’ai composé en fonction de la production que je voulais. Sur Ὸ Theos (…), je n’avais pas de réelle production en tête. Il y a aussi le fait qu’on a rebossé ensemble et étant donné qu’il savait déjà ce qu’on faisait et notre manière de composer, enregistrer, etc., Frédéric a sûrement intensifié les choses sur notre second projet collaboratif. 

On ressent donc une évolution dans votre travail musical sur ce nouvel opus. Le travail de composition était-il plus difficile que pour ὸ θεὀς ὸ βασιλεὐς ? Je pense notamment aux passages narratifs sur « L’homme du Tarn » et « De Republica » ou bien aux interludes présents sur l’ensemble de l’album.
Sinai : La composition était plus travaillée en terme musical, en utilisant des notions théoriques et une manière plus structurée et globale de voir les choses. Avoir le projet de manière globale et aller de plus en plus en détail en se donnant des limites. Cela permet d’avoir une meilleure logique et une ligne directrice plus nette. Les ambiances et narrations sont aussi bien travaillées que l’album précédent. On a peut-être évité certaines erreurs.

Après la forme, j’aimerai en venir à échanger avec vous sur le fond. Vous avez questionné la religion dans ὸ θεὀς ὸ βασιλεὐς, qu’est-ce qui vous a conduit alors à s’interroger sur la République, ses fondements et ses valeurs sur ce troisième LP baptisé justement De Republica ?
Aharon : Les raisons qui nous ont amenées à questionner la République, ses fondements et ses valeurs dans De Republica sont en effet similaires à celles explorées dans Ὸ Theos O Basileus. Nous nous intéressons aux outils qui légitiment le pouvoir, ainsi qu’aux relations entre Dieu et le pouvoir, et entre le pouvoir et le peuple. Nous avons déjà constaté dans nos albums précédents que la relation entre le religieux et le politique peut être conflictuelle, même si elle peut parfois fonctionner en tandem. Cependant, dans le contexte de De Republica, cette relation peut être tout aussi conflictuelle, voire même plus intense. L’idée sous-tendant la République et l’état de droit est de trouver un équilibre où chaque entité, que ce soit le peuple ou le pouvoir, puisse trouver sa place. Mais cet équilibre ne se réalise pas sans heurts et conflits.

À l’avenir ou bien pour un projet ultérieur particulier, envisagez-vous de vous détourner des thématiques très ancrées historiquement ? Ou bien ce fil conducteur vous tient-il à cœur ou revêt une importance particulière à vos yeux ?
Aharon : Je ne pense pas que désormais avec Griffon, on sorte du cadre historique à l’avenir. Avec un autre projet, A/Oratos, dans lequel j’ai la chance de m’impliquer, j’explore cependant des concepts différents, plus ésotériques, en étudiant la gnose.

Le morceau « The Ides of March », de par sa thématique et son orchestration, est-il un lien entre vos deux albums Ὸ Theos (…) et De Republica ?
Sinaï : Ce n’était pas le projet en termes de composition mais c’est vrai qu’on peut le voir comme ça.
Aharon : Ce n’était pas intentionnellement conçu comme tel, mais effectivement, « The Ides of March » crée un lien avec l’Antiquité, tout comme le faisait notre album précédent.

Pensez-vous que la musique serait un bon médium pédagogique pour les jeunes générations ? Aussi bien pour enseigner l’histoire que la philosophie ou l’éducation civique, par exemple ?
Sinaï : La musique peut être un vecteur, comme tout autre art, pour s’intéresser à divers domaines. Le terme enseigné me dérange toutefois. Je n’aime pas les donneurs de leçon. L’idée d’éveiller la curiosité en évitant de dire trop de connerie, partager les passions me semble mieux. En tout cas si on pouvait éviter d’en faire un outil commercial vide de sens, ça serait pas mal.
Aharon : C’est une question de transmission. On s’aperçoit de plus en plus qu’en tant que vecteur de communication et de transmission culturelle, la musique offre une plateforme puissante pour partager des éléments culturels. Les thèmes que nous choisissons de mettre en lumière dans nos chansons visent à fournir des informations historiques que nous souhaitons mettre en lumière à notre humble niveau. Nous espérons ainsi apporter des éléments historiques qui permettent de construire et d’instruire, tout en offrant une expérience artistique enrichissante.

Vous aviez déclaré à un média confrère dans une précédente interview que vous étiez de véritables auditeurs de black metal. Est-ce difficile de trouver chaussure à son pied, ou devrais-je dire musique à son oreille (sourires), dans un milieu où la musique extrême tend de plus en plus vers l’expérimental, à la multiplicité des mélanges des étiquettes ? En tant qu’amateur de black metal, ce genre musical n’est-il pas devenu trop fade (à écouter) parfois de nos jours ?
Sinaï : Aharon est plus amateur de black metal que moi. Il y a des périodes qui mettent en valeur chaque mouvement et style musical. Je pense qu’en cherchant un peu on peut trouver son bonheur. Après, en ce qui concerne la partie « hype », c’est autre chose. D’ailleurs je pense que musicalement, on est plus dans quelque chose que tu définis. Avec Griffon, on a une musique facile d’accès à l’écoute, un peu expérimentale, etc. Donc on peut se dire qu’effectivement notre groupe est musicalement trop lisse, avec une prod’ trop moderne. C’est en partie vrai, mais ce n’est pas dans la volonté d’être » »hype » ou de la facilité. C’est un choix personnel qui est assumé depuis les débuts du groupe, une évolution de nos moyens de production et de composition.

Enfin, concernant votre actualité scénique, j’ai constaté que vous participez prochainement à la LADLO Night à Nantes, festival organisé par votre label qu’on ne présente plus ici. (sourires) Toutefois, d’autres dates sont-elles prévues afin de promouvoir l’album ?
Aharon : Nous sommes en train de finaliser d’autres dates de concerts que nous annoncerons très prochainement. On reste, bien sûr, ouvert à toute proposition.

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