TOTER FISCH : En eaux très sombres…

Mille milliards de mille sabords, les revoici nos pirates tourangeaux favoris ! Bon, d’accord l’expression commence à être usée, et, il ne faudrait pas en abuser. Mais depuis le temps que l’on attendait un successeur à l’autoproduit Yemaya paru en 2017 ! Après avoir croisé à maintes reprises le groupe de pirate metal (étiquette musicale qui s’avère aujourd’hui quelque peu réductrice) sur les routes et mers de France et de Navarre, nous avions hâte de tailler une bavette avec Toter Fisch. Et sincèrement, au vu de la qualité de leur second effort baptisé Aspidochelone, plus sombre dans ses ambiances mais aussi très mature aux niveaux des compositions, on ne comprend toujours pas pourquoi un label digne de ce nom (au hasard, Napalm Records ?) ne les a toujours pas signés, à moins que nos amis veulent rester à tout prix indépendants, tels des pirates vivants de trésors, d’amour et d’eau fraîche sur leur mystérieuse île… [Entretien avec le groupe réalisé par Seigneur Fred – Photos : DR]

Comment allez-vous depuis vos retrouvailles avec le public tourangeau (votre fief natal) en janvier dernier (2023) en première partie de Drakwald qui donnait alors un show pour sa release-party de son dernier album à Tours donc, au Bateau Ivre, tandis que vous sortiez à peine de l’enregistrement studio et mettiez la touche finale à votre tout nouvel album que l’on découvre enfin ?
Nous allons très bien ! Nous sommes impatients de sortir enfin notre nouvel album et de le défendre sur scène comme il se doit ! Nous avons aussi pleins de projets en cours (clips, nouvelle scénographie, nouveau merchandising…) qu’il nous tarde de concrétiser.

A ce même concert où le public répondit présent (malgré une pluie torrentielle), vous aviez joué quelques nouvelles chansons en avant-première. Les réactions étaient plutôt bonnes de mémoire. Vous souvenez-vous quelles étaient les réactions des gens et avez-vous testé d’autres morceaux live lors de nouveaux concerts entre-temps ?
Les réactions lors des concerts sont jusque-là très positives. Certaines personnes sont venues nous voir justement après les concerts pour nous en faire part, ce qui fait très plaisir. Nous avions joué trois nouveaux morceaux à Tours, et nous en avons testé deux autres depuis, dont « The Island », pour laquelle nous avons déjà sorti une lyrics vidéo, qui semble très bien marcher aussi !

Un changement de line-up à un poste clé est intervenu au sein de l’équipage de Toter Fisch : le guitariste David Lemoine a laissé la place à Tanguy Andujar. Cela a-t’il été facile de trouver un remplaçant à la fois quasi-professionnel, dans votre région, et étant prêt à s’investir dans un projet de groupe en plein développement artistique comme Toter Fisch qui n’est pas un travail à temps complet ?
Non, ça n’a pas été évident. Nous ne cherchions pas juste un gratteux, mais quelqu’un capable de composer, chanter, ainsi que d’investir temps et argent dans le groupe. Et surtout, nous voulions quelqu’un avec qui ça le fasse humainement ! Nous sommes très heureux et chanceux d’avoir Tanguy à bord à présent !

Par conséquent, avez-vous changé ou adapté votre méthode de composition et d’écriture pour ce second opus baptisé Aspidochelone ? Tanguy a-t’il participé à l’élaboration des nouvelles compositions ou simplement exécuté ses parties : riffs et soli ?
Le travail de composition est essentiellement resté le même, dans le sens où c’est Romain (chant) qui compose une grande partie de la musique de Toter Fisch, suivi par un processus assez démocratique de sélection et arrangements des morceaux. Néanmoins, Tanguy a aussi beaucoup participé, car en plus d’exécuter ses riffs, solos et parties chants, il a aussi proposé ses propres compos.

Toujours à propos de votre nouveau guitariste Tanguy. En faisant sa connaissance après votre concert donc en janvier 2023 au Bateau Ivre à Tours, il m’avait impressionné, déjà par son charisme avec son costume, tel un vrai pirate (que j’ai surnommé depuis « Barberousse », mais ça c’est une autre histoire…) (rires), mais aussi son jeu de guitare sur sa Solar 7 cordes. Il m’avait confié avoir tourné avec le groupe écossais Saor en première partie de Gaahls Wyrd ce qui n’est pas rien tout de même ?! Son expérience scénique et professionnelle avec Andy Marshall (Saor) vous-a-t’elle aidée sur Aspidochelone ?
En fait, la composition d’Aspidochelone était déjà terminée lorsque Tanguy a rejoint Saor, donc ça n’a pas eu d’influence. En revanche, ça a été une expérience très enrichissante qui l’a, pour sûr, fait progresser niveau professionnalisme scénique et technique. Il en est revenu avec pleins de conseils pour Toter Fisch ! (sourires)

Je me suis tout de suite interrogé sur le nom alambiqué de ce nouveau et second trésor : Aspidochelone ?! Quelle est sa signification au juste ? S’agit-il d’un concept album s’inscrivant en lien avec Yemaya peut-être ? On voit une île au trésor et son reflet sombre dans l’eau, tel un monde abyssal mortel… Expliquez-nous tout ça !
« L’aspidochelone » est un monstre marin que l’on retrouve dans tout un tas de mythologies, sous différents noms et aspects… Sa face supérieure est une île, qui agit comme un leurre pour piéger les marins qui y accostent. Le monstre plonge, entraînant ses victimes avec lui afin de les noyer dans les profondeurs… Ici, la créature est le symbole d’un passage entre deux mondes, comme le suggère la pochette. Il s’agit en effet d’un concept album dont l’histoire est une suite directe de notre précédent album, Yemaya, reprenant donc les aventures de l’équipage maudit du Toter Fisch. Il semblerait que l’on ait un goût prononcé pour les noms d’albums un peu étranges !

Ce nouvel album possède un magnifique artwork signé Julian Bauer. Le digipack est superbe ! Il y a eu du budget, on dirait ! (rires) Comment s’est passée cette collaboration au résultat plus que réussi ?
Merci beaucoup ! Cette collaboration s’est plus que bien passée, c’est le genre d’échange rêvé entre un artiste professionnel et un groupe ! Julian a été très attentif à nos moindres demandes, à ce que l’on voulait, et il a su sublimer le concept que l’on avait en tête, pour un résultat qui a dépassé nos espérances ! À nos yeux, on se retrouve avec l’un des plus beaux artworks que l’on n’ait jamais vu ! Précisons aussi que c’est Clément Nobileau (qui a déjà travaillé sur plusieurs de nos EP, t-shirts, sur le livret de Yemaya…) qui s’est chargé du livret, et qui a, encore une fois, accompli un super boulot ! L’ensemble est vraiment réussi ! Et il n’est pas plus cher que d’autres, soit dit en passant, ah ah ! (rires)

Après le contenant, passons au contenu d’Aspidochelone. Il y a dix nouvelles compositions que j’ai trouvées à la fois très matures pour un second album, et aussi plus mélancoliques et très épiques. C’était dans votre humeur durant les deux années de covid-19 qui ont peut-être indirectement façonné la tonalité plus sombre de ce nouvel opus ?
Déjà, merci à toi. Il est possible que ce changement musical vienne en partie du changement de line-up et aussi et surtout du fait que nous évoluons en tant qu’individus. Yemaya a déjà six ans ! Nos goûts, nos vies, nos envies ont évolué avec le temps… C’est vrai que l’on aimerait se rapprocher de quelque chose de plus sombre et épique, et de mettre un peu plus de côté le coté folk dansant. Aspidochelone nous ressemble à un instant « T » et peut-être que le prochain album sera encore différent… Cependant, nous ne pensons pas que le covid ait quoi que ce soit à voir avec cette évolution. Il a peut-être insufflé un peu plus de mélancolie dans l’écriture des paroles, mais ça en reste là.

J’ai relevé plusieurs passages de guitares acoustiques ici et là très plaisants. Vos tournées de petites dates de concerts acoustiques dans des clubs et pubs de France et de Navarre vous ont-elles inspirées ces passages sur certaines chansons ?
Pas du tout. Nous avions déjà des parties acoustiques dans le passé. De plus, la plupart des passages acoustiques du nouvel album viennent de notre guitariste Tanguy, qui n’était pas encore dans le groupe lorsque nous faisions encore des concerts acoustiques. Intégrer des éléments acoustiques nous semble en fait assez naturel pour apporter de la profondeur et une ambiance plus authentique à nos morceaux.

L’accordéon demeure bien présent sur Aspidochelone, contrairement à notre Claudio Capéo national qui tend parfois à délaisser son instrument au profit de chansons et duos plus modernes et r’n b… (rires) Il y a aussi pas mal de claviers, un mur épais de guitares, la basse de Rémy, et le chant du capitaine Romain très en voix. Comment avez-vous réussi à mixer tout ça en studio au risque de charger un peu trop le mur du son ? (sourires)
Ça, c’est toute la difficulté du mixage studio ! Nous avons conscience que nous avons peut-être un peu tendance à vouloir trop en mettre, quitte à perdre un poil en lisibilité. Mais nous n’avons jamais cherché à faire un album de folk facile d’écoute. Et on tient à ce côté jusqu’au-boutiste de Toter Fisch : un premier aspect purement metal bien présent et rentre-dedans, avec un second aspect orchestral très poussé et épique. La qualité des orchestrations composées par Thibault Chavanis a vraiment aidé notre producteur en studio HK (Vamacara studio) pour le mixage.

En concert, ce n’est pas trop dur pour Jérémy Bayon, tant physiquement, de jouer ses parties tout en headbanguant à la barre, qu’au niveau de la sonorisation ? C’est moins compliqué qu’une guitare car pas de réaccordage incessant ? L’ancien accordéoniste de Korpiklaani avait dû arrêter de tourner car il souffrait du dos à force des nombreux concerts en position debout sur scène…
On doit régulièrement lui faire craquer le dos c’est vrai, car l’accordéon, c’est lourd… et en plus ça tient chaud sur scène ! Mais la sonorisation n’est plus un problème car il utilise un accordéon électronique en live, bien plus pratique. Au final bien plus simple qu’une guitare ou une batterie !

Au niveau de vos influences musicales, j’ai retrouvé cette petite touche folk héritée d’un groupe comme Korpiklaani ou Finntroll (exemples : « The Island », « Ritual », « The Bow »), mais aussi un peu de Rammstein dans certains riffs musclés et dans les claviers rappelant justement parfois ceux du Doktor Christian Lorenz alias « Flake » dans leurs arrangements (ex. : « Petwo’s Call »).
Pour les influences, tu as tout à fait raison, du moins pour Finntroll ! C’est le groupe de folk que la plupart d’entre nous écoutons le plus, donc oui leur musique nous parle, et nous nous en inspirons, mais nous essayons d’avoir notre « patte ». Pour ce qui est de Rammstein, Romain est content que tu aies remarqué ça, car ce n’est pas le groupe qui revient le plus quand l’on parle de nos influences… Hors c’est un énorme fan ! Leur musique l’inspire et l’influence de façon plus ou moins subtile dans Toter Fisch.

On peut entendre à différents passages des chœurs en chant clair, très réussis, et qui contrastent et allègent par moment avec les growls du capitaine Romain. Qui a assuré ces chants clairs et allez-vous pouvoir les interpréter sur scène ou bien ce sera sur « bandes » sur ordinateur comme les claviers et autres arrangements qui ne sont pas joués en live ?
Merci ! Les passages en chant clair sont en partie des chœurs interprétés par l’ensemble de l’équipage, mais les autres passages, comme sur « The Bow », sont chantés par Tanguy et Jérémy. Le chant de Tanguy est un vrai bel ajout à notre musique, et il n’y a pas de raison d’en priver le public lorsque nous jouerons ces morceaux sur scène. (sourires)

L’outro « Neverending » totalement instrumentale conclut de fort belle manière Aspidochelone. Vous vous êtes lâchés sur ce coup-là, on dirait, en signant là un outro épique en grande pompe, non ?
Avec « Neverending », nous voulions que l’album se termine tel un générique de film épique. Cette composition a été un travail d’équipe entre Romain et Tanguy. Romain a dans un premier temps proposé une boucle hypnotique, la base de la compo. Tanguy s’est ensuite amusé à écrire tous les thèmes orchestraux et y a ajouté de plus en plus de couches d’orchestration, en plus d’avoir su conclure avec un superbe solo de guitare ! Nous tenions quand même à souligner la contribution de Thibault Chavanis, qui a, quant à lui remarquablement arrangé toutes ces orchestrations afin d’avoir un rendu final très cinématographique !

Avez-vous des projets de tournage de vidéo clips ou de lyric vidéos pour l’une ou plusieurs nouvelles chansons afin de présenter sur internet votre nouvel album ?
Nous avons donc déjà sorti une lyrics vidéo pour « The Island », qui a été réalisée par Aimed&Framed. Nous sommes très très satisfaits du résultat, qui est plus qu’un simple déroulé des paroles sans intérêt visuel. Nous avons également deux projets de clip dont l’un est déjà en partie tourné et que nous espérons sortir rapidement après la sortie d’Aspidochelone. On ne peut pas t’en dire plus pour l’instant !

Maintenant, quand peut-on espérer vous revoir en concert en région Centre-Val de Loire et plus généralement en France à travers une réelle tournée par chez nous, en première partie d’Alestorm par exemple ou bien plutôt Visions of Atlantis ? Envoyez-leur votre album, un post à Clémentine Delauney sur Facebook !! J’ai son Skype si ça peut vous aider… (sourires)
Nous avons notre soirée pre-release party prévue à Tours le 2 septembre 2023, ainsi que notre release party à Lille le 16 Septembre, où nous fêterons dignement la sortie d’Aspidochelone en compagnie de nos copains de Mormieben, Infinityum, Sorcières et Cave Growl ! Une soirée au Black Lab à Wasquehal (59) qui s’annonce épique ! Nous avons plusieurs dates à venir pour fin 2023/début 2024 que nous annoncerons très bientôt ! Pour ce qui est d’ouvrir pour de gros groupes tels qu’Alestorm, bien sûr si l’occasion se présentait, nous sauterions dessus avec joie. Mais nous n’avons actuellement pas de booker (Ndlr : tourneur), donc ce genre d’opportunité et difficile à saisir. C’est un cap que nous aimerions franchir à l’avenir.

Des festivals d’été peut-être d’ores-et-déjà de programmés aux festivals Hellfest ou Motocultor en 2024 alors que l’on vous y avait découverts en 2017 dans une ambiance festive géniale ? On vous attend de pieds fermes désormais à Carhaix !!!
Pour l’instant rien de confirmé pour 2024. Tout 2023 nous est passé sous le nez, l’album n’étant pas encore sorti et tous les reports post-covid se faisant encore sentir, dur dur de se faire une place… Mais on travaille pour 2024 et on espère bien être programmés sur quelques beaux fests ! Revenir au Motoc’ serait génial, tant 2017 est resté gravé dans nos mémoires, et le Hellfest, n’en parlons pas… C’est un peu le graal de tout groupe français ! On aimerait aussi essayer de se concentrer sur des festivals un peu plus spécialisés folk/black/pagan en Europe, comme le Dark Troll en Allemagne ou le Warhorns en Angleterre… C’est ce genre de chose que l’on vise pour espérer s’exporter en dehors des frontières hexagonales. La scène folk y a l’air bien vive !

Merci beaucoup par avance pour vos réponses. Quel plaisir de vous retrouver, sincèrement ! Prenez soin de vous, et bonne chance avec ce nouvel album très réussi ! Stay heavy !
Merci à toi pour tes questions, tes compliments et ton soutien ! Cheers !

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