HALIPHRON : Un nouveau monstre est né !

Né des cendres d’Izegrim et Dictated, voici Haliphron. Comprenant des musiciens issus de la petite mais riche scène metal batave, ils ont décidé durant la récente crise sanitaire de faire table rase du passé pour fonder un super projet de black/death symphonique. Outre l’actuel batteur de God Dethroned, on y retrouve avec plaisir l’ex-guitariste et l’ex-chanteuse d’Izegrim qui nous disent tout sur leur nouvelle hydre à six têtes. [Entretien avec Jeroen Wechgelaer (guitare) et Marloes Voskuil (chants) par Seigneur Fred –  Photos : DR]

Comment est né le groupe Haliphron précisément en 2021 ? Était-ce lors d’une jam session virtuelle dans le contexte de la récente pandémie de covid-19 durant votre confinement aux Pays-Bas peut-être, juste après la triste séparation d’Izegrim ?
Jeroen : Ha ah, tu as tout compris avec cette récente crise sanitaire mais nous n’avons pas eu de jam sessions virtuelles pour autant. Cela a, en effet, commencé pendant la pandémie lorsque Ramon (membre fondateur de Haliphron) a eu beaucoup d’inspiration pour de la nouvelle musique, qu’il ne pouvait pas utiliser pour son groupe Bleeding Gods au moment de l’écriture. En gros, il avait écrit tout un album avec des parties de guitare rythmique quand il m’a appelé. J’ai alors vraiment été bluffé par sa diversité et la qualité musicale, alors quand il m’a proposé de rejoindre son aventure, j’ai vite dit « oui » ! Après cela, il n’a pas fallu très longtemps avant que tout le line-up soit complet. On se connaît tous très bien, tant au niveau musical qu’en tant que très bons amis. La chimie au sein de Haliphron était bonne à deux-cents pour cent depuis le début.

Au passage, je vous pose forcément la question : pourquoi Izegrim s’est-il séparé ?
Jeroen : Juste plus d’inspiration, et de fait aussi un manque de motivation. Ensuite, tu sais, la seule solution est d’arrêter, car ce n’est plus juste pour toi mais surtout pour tes fans lorsque tu continues un groupe sans motivation. Ce n’est plus sincère, et ça se voit. Nous sommes tous encore de bons amis et la plupart d’entre nous ont alors commencé différents groupes (comme Marloes et moi).

À présent, que veut dire Haliphron et d’où vient ce nom étrange que vous avez trouvé pour votre nouveau groupe ?
Marloes : Le nom Haliphron est basé sur l’une des premières chansons que nous avons publiées : « Unidentified Mass ». Elle est basée sur une créature des profondeurs (pas le Kraken), qui est en chasse dans le plus sombre de l’océan. J’ai découvert qu’il y a en fait une sorte de pieuvre qui vit dans les bas-fonds les plus profonds des mers qui s’appelle ainsi. Donc, on a décidé que c’était un grand nom pour le groupe et inédit auparavant, à la fois court, constitué d’un mot fort et pas facile à oublier bien sûr. Et ça soulève aussi quelques questions, ce qui est un plus ! La preuve ! (sourires) Sur la couverture, on peut voir notre propre interprétation de ce Haliphron, une sorte de créature mythique, à moitié humaine avec des tentacules…

Vocalement, qui assure tous les cris et les différents growls et screams black sur Prey parce que l’on peut percevoir comme différentes voix ? Est-ce tout le travail de Marloes uniquement au chant ?! Si oui, je suis vraiment impressionné, même si l’on connaissait déjà tes performances vocales dans les concerts et sur les albums studio d’Izegrim ?
Marloes : Eh bien, tu ferais mieux d’être encore plus impressionné maintenant, ha ha ! (rires) C’est bien moi que tu entends, et merci. J’ai aussi la commodité d’un home-studio depuis ces derniers temps, ce qui me permet de m’entraîner plus que jamais. Ma voix est de mieux en mieux. Et avec un groupe comme Haliphron, il y a beaucoup plus d’opportunités pour moi de m’exprimer d’autres manières (comme le chuchotement, par exemple, ou le chant plus typé black). J’ai apprécié chaque instant où je suis allé plus loin dans mes capacités, et du coup j’ai constaté que ma gamme vocale est encore plus grande qu’elle ne l’était avant le covid.

Vous avez déclaré que le concept musical principal de Haliphron était : « de créer un son de metal extrême explosif et puissant qui n’est pas si fréquent dans votre pays ». Pourtant les Pays-Bas possèdent déjà de solides formations de metal symphonique comme Epica ou Delain par exemple, ou d’autres plus extrêmes comme Asagraum en black metal, et bien sûr les puissants God Dethroned avec son black/death metal qui utilise parfois des touches symphoniques. D’ailleurs vous partagez le même batteur, Frank Schilperoort. Ce sont vos liens avec God Dethroned qui vous ont inspiré pour lancer Haliphron et créer ce premier album très dark et épique ?
Jeroen : Non, pas du tout. Personnellement, je pense qu’Epica et Delain sont de l’autre côté du spectre metal quand on parle de symphonique (ils sont en effet excellents, c’est vrai). Comme tu l’as dit, c’est Epica ou dans d’autres styles plus extrêmes comme Asagraum, mais pour autant que je sache, il n’y a pas beaucoup de groupes qui se situent entre ces deux genres aux Pays-Bas. Notre objectif principal était d’écrire de la musique diversifiée, heavy au possible, en mettant beaucoup l’accent sur les structures des chansons et les bpm par exemple. Sachant qu’il n’est pas nécessaire de blast beater tout le temps pour faire un album super heavy, tu vois. De plus, le but était de faire quelque chose de différent de tous les groupes dans lesquels nous jouons (ou avons joué).

L’une de vos principales influences que l’on peut déceler dans votre musique sur Prey est probablement l’œuvre de Dimmu Borgir et Shagrath, du temps de son ancien claviériste Mustis, période Puritanical Euphoric Misanthropia, en particulier dans l’atmosphère sombre, les arrangements de claviers et ce son clair et puissant dans la production de Prey (exemples : « The Killing Spree », « Unidentified Mass »). Est-ce une influence consciente et commune parmi les membres de Haliphron que vous aviez en tête lors de la composition de ces neuf nouvelles chansons ?
Jeroen : Nous avons travaillé très dur sur la production sonore avec Mendel bij de Leij (ex-guitariste d’Aborted). Il a fait un travail incroyable pour créer une production limpide, mais lourde, heavy. On visait un son clair où chaque instrument individuel (et voix) avait sa part belle au moment opportun. Pour l’orchestration et toutes les parties de clavier : sans conteste David a fait un travail incroyable et élève chaque chanson à un niveau stellaire ! Je sais qu’il tire ses influences de la musique classique jusqu’aux bandes-originales de films, ha ha ! Alors, il se pourrait que Mustis ait eu la même inspiration de temps à autre aussi, non ? Si tu dépouilles les parties de clavier, tu serais surpris de voir que beaucoup de riffs de guitare sont basés sur le metal des années 90 (pas sur le black metal d’ailleurs), ce qui est vraiment cool à entendre. Je pense que cette combinaison nous rend assez uniques pour être honnête. En tout cas, être comparé à Dimmu est un beau compliment, merci !

Comment avez-vous commencé à composer les chansons de Prey : à partir d’un riff à la guitare, ou peut-être en jouant au piano ou aux claviers avec l’aide de David Gutierrez Rojas dans un premier temps ? Ou les claviers viennent généralement plus tard, en plus ?
Jeroen : Comme je l’ai disais plus tôt, Ramon a presque écrit tout l’album à la guitare, avec quelques pistes de batterie basiques (numériques) en dessous. Une fois le line-up terminé, nous avons tous commencé à travailler avec ce plan qu’il nous avait établi. David a fait des orchestrations époustouflantes, j’ai fait quelques pistes supplémentaires, tandis que Marloes travaillait d’arrache-pied avec le concept et les paroles. Ce n’était pas les « répétitions typiques du groupe à la salle de répétition », mais nous avons fait la plupart de l’écriture à la maison. Heureusement, nous avons tous nos home-studios et échangé des idées en ligne.

Les chansons de Prey sont très sombres et proches de l’ambiance dark/black metal. Pensez-vous que le covid-19 vous a impacté psychologiquement dans votre humeur pendant l’écriture et la composition de ce premier essai, plus que si nous n’avions pas vécu cette pandémie ? Ces sentiments sombres et colériques étaient-ils déjà présents avant d’enregistrer l’album d’après vous ?
Marloes : Hum… Bonne question, mais j’ai bien peur de devoir dire non. Bien sûr, nous étions tous frustrés par le fait que nous ne pouvions assister à aucun concert ou aller au pub du coin boire un verre. Rencontrer des amis et la socialisation sont mes principaux objectifs de vie en général, personnellement, alors oui, le covid a vraiment été dur pour moi à plusieurs égards. Mais je n’ai jamais eu de convoitise dans mon esprit en écrivant les paroles de Prey pour être honnête. C’est si sombre parce qu’il traite de choses qui pourraient arriver à n’importe qui un certain jour ou à une certaine période. Ce n’est donc pas lié au covid spécifiquement, ni à une époque particulière. C’est à la fois général et personnel.

Le premier single extrait accompagné de sa vidéo lyrique s’appelle « Unidentified Mass » et se trouve à la fin de l’album (hors bonus). Pourquoi le choix de ce single en particulier, et qui l’a sélectionné : votre label ou vous-même ?
Marloes : C’était 100 % notre demande. C’est l’une des chansons qui représente très bien l’équipe, sans donner trop de détails dans cette première chanson qui est maintenant sortie. En plus de cela, c’est aussi la chanson qui se rapporte à l’inspiration de notre nom de groupe, donc pour nous c’était la chanson qui devrait logiquement paraître en premier. En gros, ça dit un peu : « voici Haliphron et c’est ce que nous représentons ! ». (sourires) Et au moment de cette interview, nous avons déjà une seconde vidéo (non lyrique, c’est-à-dire dans laquelle nous figurons cette fois bel et bien), où nous présentons tout le groupe interprétant le titre « Human Inferno ».

Et quelle est donc cette « Mother of All Evil » évoquée sur le troisième titre précisément ?
Marloes : « Mother of all Evil » consiste à se faire justice soi-même si le système juridique échoue totalement sur vous. On ne peut pas trouver la tranquillité d’esprit avant de se venger de celui qui a commis le crime. Dans le cas de cette chanson en particulier, l’auteur a tué l’un de ses proches, sans raison particulière. Assez pour libérer (ou évoquer) donc la « Mère de tous les Maux » sur une telle personne.

Il y a aussi une chanson intitulée « Schizophrenia » comme piste bonus à la fin du nouvel album. Elle possède quelques thèmes musicaux orientaux dans son introduction… C’est une chanson très longue et épique, à l’atmosphère agréable, plus réjouissante. Pourriez-vous expliquer son développement musical et nous en dire davantage, s’il vous plaît ?
Jeroen : C’était en fait l’une des premières chansons que Ramon m’a envoyée et sur laquelle nous avons commencé à travailler. L’intro débutait avec juste des guitares, mais une fois que David a opéré son tour de magie avec les orchestrations sur l’intro, nous avons tous senti qu’il fallait une orchestration complète et pas seulement des guitares. La section médiane est sombre et épique, en effet, me rappelle les vieux films d’horreur, y compris cette voix d’enfant effrayante… (sourires) Ça me donne vraiment la chair de poule partout, et j’espère que les auditeurs vivront la même expérience !

À présent, la question est : doit-on considérer Haliphron comme un super projet parallèle spécial rassemblant différents musiciens bien connus sur la scène metal hollandaise, ou bien un nouveau réel groupe avec des projets de concerts à l’avenir car au niveau des agendas, il sera compliqué de jouer en live et de tourner ensemble du fait de l’activité de vos autres groupes Bleeding Gods, God Dethroned, et Dictated (Ndlr : ce dernier a splitté d’après nos infos et sa bassiste/guitariste Jessica Otten nous l’a dernièrement confirmé), n’est-ce pas ?
Jeroen : Je dirais que c’est un groupe super spécial, vraiment nouveau, avec des musiciens bien connus, ha ha ! (rires) Ce n’est pas un projet et nous pensons tous que ce que nous faisons doit être appelé un groupe, pas un simple projet. On s’engage tous à 200 % et nous y investissons beaucoup de temps. Bien sûr, il y aura parfois des agendas contradictoires, mais pour autant que nous le sachions maintenant, les choses sont gérables. Si tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont des problématiques d’agendas de temps à autre, alors je pense que nous survivrons à cela, ha ha ! (rires)

Pour conclure, quels sont tes projets avec Haliphron pour cette année et dans le futur ? Pouvons-nous espérer alors vous voir bientôt en France peut-être dans le cadre d’une tournée ou lors de festivals d’été ?
Marloes : Notre premier concert aura lieu le 28 avril 2023, où nous jouons notre sortie d’album (release party) à De Melkweg à Amsterdam, pendant le Metallica Take Over Weekend (Ndlr : comme en France, les Four Horsemen jouent là-bas un double week-end à Amsterdam). De plus, nous avons quelques concerts de programmés cette année lors de différents festivals d’été dans les environs, comme au CopenHell (Danemark), et Metal Experience Fest à Leiden (Pays-Bas), puis au Eindhoven Metal Meeting (Pays-Bas) en décembre 2023. Et bien sûr, nous sommes ouverts aux réservations et espérons voir la France cette année, ce serait formidable de jouer à nouveau dans votre pays. Ça fait trop longtemps !! (sourires)


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