BRAT : Barbie grind

Et si la femme était l’avenir de l’homme dans le hardcore, voire le grindcore ? A force de voir débarquer tout un tas de nouvelles formations américaines ou européennes plus énervées et rebelles les unes que les autres (Gel, Escuela Grind, Dying Wish, ou Brat dans le cas présent…), cela nous sort un peu des standards habituels du hardcore/metal et majoritairement masculins. Un nouveau vent de fraîcheur semble ainsi souffler sur la scène depuis quelques années déjà (à l’image de Walls Of Jericho il y a une vingtaine d’années déjà), dépoussiérant le music business actuel. Mais attention au revers de médaille et à ne pas créer non plus de nouveaux clichés, quitte à tomber dans la caricature ! Concernant Brat, ce jeune quatuor formé en 2020 du côté de La Nouvelle-Orléans (Louisiane) l’assume pleinement et s’en amuse même sur son premier LP Social Grace (Prosthetic Records) paru mi-mars 2024. Alors une chose est sûre avec Brat : il va y avoir du sport ! [Entretien avec Brenner Moate (guitare/chœurs), Liz Selfish (chant), Dustin Eagan (batterie) – Photos : DR]

Comment allez-vous les gars et les filles ? Aujourd’hui, c’est le 14 février : la Saint Valentin !! (Ndlr : entretien réalisé le 14/02/24 donc) Allez-vous la fêter si vous avez un amant homme ou femme dans votre vie personnelle, ou bien vous vous en fichez totalement parce que c’est nul selon vous, et tout ça ne sont que des conneries commerciales pour chrétiens puritains ? (sourires)
Dustin :
En fait, nous avons célébré la Saint-Valentin sur la route. Nous étions en tournée à ce moment-là, nous avons donc dû envoyer notre amour à la maison par téléphone, malheureusement. On vient d’ailleurs de jouer à York et avons délivré un show complètement fou ici en Pennsylvanie ! Personnellement, je suis un peu blasé à l’idée de la Saint-Valentin à force de travailler si longtemps dans des restaurants, tu sais. C’est toujours l’un des jours les plus chargés de l’année pour nous…

Plus sérieusement, d’où vient le nom du groupe Brat et comment le groupe s’est-il formé en 2021 à la Nouvelle-Orléans (Louisiane) ? A partir d’un projet musical hardcore peut-être entre amis pendant l’épidémie de covid-19 aux USA ? Peut-être avant cela, au lycée ou à l’université comme parfois dans les stories de groupes ?
Dustin : Brat a été conçu après une nuit de karaoké avec Liz et Brenner, où Liz a chanté une chanson du groupe A Day to Remember et elle a réalisé qu’elle pouvait plutôt bien faire les basses avec sa voix. Peu de temps après, le covid a tout arrêté et Brenner a commencé à écrire et a fini par terminer huit chansons. Brenner et moi étions amis dans nos villes natales et à ce moment-là, je venais de déménager à la Nouvelle-Orléans et j’avais vu Brenner publier des riffs bien heavy comme j’aime sur ses stories sur Instagram. Alors je l’ai contacté et lui ai dit que j’en serai s’il avait besoin d’un batteur pour faire de la musique heavy. Et quelques semaines plus tard, il l’a fait ! Enfin, Hennessey a rejoint le groupe à la basse après nos deux premiers concerts. Le nom faisait partie de quelques noms que Brenner et Liz avaient écrit dans une liste, puis nous avons opté pour Brat une fois que l’esthétique et tout ce qui tourne autour du nom (logo, etc.) a commencé à se mettre en place.

Il y a beaucoup d’influences dans votre musique de Brat : du death metal, grindcore, crustcore, punk, hardcore… Peut-on dire que Brat un melting-pot ou une formation crossover de toutes les racines musicales et influences de chacun ? Quels étaient vos principaux objectifs lorsque vous avez alors lancé le groupe en 2021 à NOLA ?
Dustin : Tout à fait ! Nous sommes définitivement un groupe crossover, on aime beaucoup de musiques différentes de différentes époques, donc tout est intégré d’une manière ou d’une autre tout en restant frais et pertinent. Les gens disent que nous avons ce « son metal de la Nouvelle-Orléans ». Je suppose que nous sommes heureux de porter le flambeau d’une manière ou d’une autre. L’objectif principal du groupe est, et a toujours été, de s’amuser. Nous aimons capter et inclure les gens dans cet espace, c’est donc ce que nous faisons !

Toujours du côté de vos influences musicales afin que nos lecteurs français fassent davantage votre connaissance : vous venez de NOLA (Nouvelle-Orléans), comme Down, Crowbar, Eyehategod avec qui vous avez déjà tourné il me semble dans le passé. Avez-vous grandi avec ces légendes américaines du hardcore/metal par exemple ? Et comment s’est passé votre tournée avec Eyehategod ? Avez-vous des anecdotes à nous raconter à ce sujet ? (sourires)
Dustin :
Il est presque impossible d’éviter d’être plongé dans les légendes locales de la musique heavy metal au sens large, même si on ne le voudrait pas dans une si petite ville unie. Il n’est pas rare de croiser des membres des groupes lors de concerts locaux. Nous nous sommes bien amusés en tournée avec EHG par exemple, oui. C’était à nos débuts,et ils ont été super gentils avec nous sur la route. En fait, il y a eu ce concert au Comet Ping Pong à Washington D.C. où ils nous ont fait livrer probablement quinze à vingt pizzas dans la salle verte et nous avons tous pu nous asseoir autour d’une grande table et organiser une soirée pizza après le concert. C’était génial ! (sourires)

Petite parenthèse au passage : c’est drôle et pure coïncidence car cette semaine, nous avons interviewé deux groupes de La Nouvelle-Orléans : vous, et aussi Exhorder… Par hasard, connaissez-vous peut-être ces derniers et son leader Kyle Thomas ? Ils jouent du thrash/power/groove metal et viennent comme vous de NOLA. Il y a une légende selon laquelle ils ont inspiré ou copié Pantera à la fin des années 80, juste avant que Pantera n’arrête de jouer du glam metal et ne se transforme en groupe de thrash/groove metal…
Dustin :
Je n’ai pas encore rencontré Kyle personnellement, mais le reste du groupe l’a fait. Il nous a dit qu’il était fan de notre groupe, et il y a des photos de lui portant sur scène notre t-shirt Paris Hilton ! C’est toujours un sentiment génial de recevoir l’amour des anciens. (sourires)

Revenons à Brat et à vos paroles. Ce sont des revendications sociales que vous exprimez à travers votre musique dans ce premier LP intitulé Social Grace ? Est-il vrai que vous voulez que Brat soit un groupe inclusif qui pratique une musique inclusive où tout le monde est le bienvenu : aucun genre, queer, blanc, noir, asiatique ? Donc tout le monde est finalement le bienvenue mais dans une cible de musique hardcore/grindcore de Brat d’une certaine manière. Vous considérez la musique de Brat comme une grande fête dans votre vie en communion avec le public ?
Dustin :
Notre objectif est d’écrire et de jouer la musique que nous aimons. Il a été extrêmement bien accueilli par des personnes aussi diverses. Nos concerts sont à l’image d’une bête hybride, différente chaque soir. Et en y incorporant des échantillons pop, cela brise la norme des légions de groupes de metal sérieux parce que ce n’est pas nous. Nous sommes des goobers, des idiots, des amateurs de plaisir. Cela transparaît également dans notre prestation, je pense, et c’est avant tout ce qui attire les gens en concert. À ce stade, peu importe qui vous êtes, vous êtes juste une personne qui s’amuse à un spectacle et vous pouvez en profiter avec émerveillement enfantin et ne pas être jugé.

Social Grace est contre l’aristocratie, comme le dit la chanson titre à ce sujet. Pourriez-vous m’en dire plus sur cette chanson et pourquoi ce choix pour le titre de votre premier album ? Est-ce quelque chose de très personnel que vous exprimez ici, comme peut-être à travers la pochette ?
Dustin :
Un thème majeur dans tout le groupe est la juxtaposition, l’opposition. Vous savez, des images girly roses associées à des gros riffs et des voix hurlées. En résumé : des chansons pop associées à des breaks écrasants, et des mosh parts, etc. Ce n’est donc qu’une extension de ce thème. Les paroles de la chanson parlent des effets des riches sur l’environnement, qu’il s’agisse du capitalisme, de l’industrialisation ou de la production ou consommation de masse. Ce disque évoque les sentiments que beaucoup d’entre nous ressentent lorsque nous regardons ces choses se produire, un sentiment de futilité, un sentiment d’impuissance, mais ensuite nous mettons du rose et une jolie robe dessus et le rendons lourd comme l’enfer.

Parmi vos dix nouvelles chansons, on retrouve des références subtiles à la fiction d’horreur psychologique avec une grande admiration pour les classiques du genre de Stephen King, comme sur certaines chansons « Hesitation Wound » et « Truncheon ». Pourriez-vous m’en dire plus ici et quels sont vos romans/livres préférés de Stephen King ?
Brenner :
J’ai toujours été un grand fan d’écriture créative et je m’inspire beaucoup de certains de mes auteurs préférés comme Stephen King, en effet. Parmi son œuvre immense, mes livres préférés de lui sont Cujo, The Stand, It (Ça en français, réadapté dernièrement au cinéma) et Misery.

Le single « The Chain Pain » a été un gros uppercut en 2021 sur YouTube sur la scène hardcore/grindcore. Pourquoi ne l’avez-vous pas mis dans le tracklist du nouvel album Social Grace pour les gens comme moi qui n’ont pas vos précédents EP ? En bonus par exemple ?
Brenner :
« The Chain Pain » était déjà sorti sur notre premier EP. L’opportunité de tourner le clip s’est présentée après que nous ayons terminé l’album mais vous pouvez toujours le retrouver sur notre Bandcamp ou sur toutes les grandes plateformes de streaming !

Comment avez-vous composé ces nouvelles chansons du LP Social Grace : comme pour vos deux EP ? Comment travaillez-vous en général : en jammant ensemble dans votre salle de répétition à l’ancienne, ou  bien seuls les uns avec les autres par internet derrière des écrans d’ordinateur sur Skype par exemple ? (sourires)
Liz :
Brenner écrit généralement la plupart des chansons lui-même, il a un grand esprit pour cartographier les morceaux et a quasiment compris la plupart des instruments avant de nous envoyer les démos. Ensuite, nous apprenons la démo lors de la pratique et peaufinons les choses petit à petit. Dustin et Hennessey (basse) apportons également des riffs ou des idées en cours de route, puis en dernier lieu, il y a généralement les paroles et le chant et c’est à ce moment-là que les choses se mettent vraiment en place avec ma voix. Il nous a fallu environ un an pour terminer le disque. Nous avons dû écrire et enregistrer entre les tournées. On a donc travaillé par morceaux de deux ou trois chansons à la fois.

Dis-moi, Liz, il y a une sorte de dichotomie ou de paradoxe dans la musique de Brat quand on te voit sur scène ou dans vos clips. Tu y apparais en chanteuse avec un look de barbie girl sportive (attention, ce ne sont pas des gros mots pour toi de ma part), et en même temps la violence de tes superbes growls que tu exprimes avec rage au micro en live sur scène et sur ce nouveau disque. Bien sûr, vous créez et jouez avec cela. Beaucoup de groupes avec des femmes et des filles (Escuela Grind, Gel, Dying Wish, ou Walls Of Jericho dans le passé) ont vu le jour depuis une ou deux décennies maintenant. Et ces groupes se multiplent. Est-ce votre force et votre fer de lance à travers Brat ?
Liz :
C’est toujours excitant de voir apparaître davantage de groupes de femmes et de groupes à façade féminine. C’est naturel. Et je suis fier que Brat en fasse partie à présent.

Encore une question pour toi, Liz : en général, le business du rock demeure très sexiste, machiste, de nos jours. Alors à travers Brat, luttez-vous en quelque sorte pour les droits des femmes et l’égalité entre hommes et femmes dans nos sociétés modernes ? Brat fait-il partie d’une sorte de mouvement hardcore post #Me Too, comme Riot grrrl l’a fait dans le passé avec des groupes et des artistes célèbres comme Patti Smith, Siouxsie Sioux dans les années 70, puis Kim Gordon (The Pixies/The Breeders), les filles de L7, etc. dans les années 90 principalement ?
Liz :
Notre objectif principal avec ce groupe est toujours de passer un bon moment, mais avoir cette esthétique féminine que nous possédons avec cette ironie peut permettre aux femmes et aux gens queer de se sentir plus à l’aise en public, lors des concerts, ce qui est du coup un bonus très impressionnant à ce que nous faisons.

Dis-moi, Brenner (Moate), tu es le guitariste de Brat. Alors quel est ton accordage principal de guitare sur le nouvel album, et quel est ton matériel (micros, guitare, amplis, pédales d’effets, etc.) ?
Brenner :
Je joue en norme d’accordage de Si (B) depuis le début. Le drop tuning est cool mais j’ai trouvé que cela me met toujours dans une impasse en termes d’écriture où les choses commencent à paraître trop homogènes. Ma guitare principale est une Jackson Pro Series RR24Q. Dessus, les micros sont les distorsions Seymour Duncan d’origine. Je fais fonctionner deux amplis à la fois. Soit deux Engl Fireball 100, soit un Engl Fireball plus un Randall RG300. Les pédales principales sont un sélecteur Lehle Amp, une pédale de distorsion Highwind Direwolf et une noise gate Decimator.

Je trouve beaucoup d’influences thrash et grindcore dans votre musique, Brenner. Ai-je raison ou tort ? (sourires) Quelle est ton opinion et quelles sont tes influences musicales personnelles ?
Brenner :
Tu as tout à fait raison à propos de ces influences. Mes goûts musicaux sont variés, tu sais, du shoegaze et de la dreampop au grindcore, en passant par la powerviolence, le death metal et le thrash metal. Je n’écris jamais par contre en pensant à un genre précis, ce qui sort est exactement ce qui sort. C’est assez spontané et brut au départ.

Avant de conclure : que souhaitez-vous ajouter à propos de votre nouvel album Social Grace et quels messages souhaitez-vous faire passer à travers lui ?
Dustin :
Vous pouvez récupérer Social Grace le 15 mars 2024 via notre Bandcamp ou via Prosthetic Records. Nous espérons que tout le monde l’appréciera autant que nous l’avons fait ! Profitez !

Alors quels sont vos objectifs et ambitions avec cet album maintenant, et quels sont vos projets pour 2024 et pour le futur ? De nouvelles chansons vidéo, des tournées américaines ou européennes peut-être, des festivals d’été, etc. ? Pouvons-nous espérer vous voir bientôt en France ?? Je l’espère ! S’il vous plaît, donnez-moi le contact de votre tour manager afin de vous faire venir jouer dans des festivals hardcore & metal en France !
Dustin :
Merci. Nous voulons aller aussi loin que possible, nous avons déjà fait pas mal de tournées donc nous allons continuer à nous déplacer à travers les États pour soutenir l’album, peut-être même quelques dates au Canada. Nous espérons arriver bientôt en Europe ! Nous avons reçu beaucoup d’amour et de retours dans nos commentaires de la part des fans européens, alors j’espère que ce n’est pas loin !

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