A l’aide d’un simple premier EP éponyme en 2021, suivi de l’album Chapter II : The Flames, The Fallen, The Fury en 2023, nous avons été très vite conquis par ce nouveau combo de black metal français qu’est Rüyyn, mené d’une main de fer par RxN. Ajoutez à cela de nombreux concerts un peu partout dans l’Hexagone et ailleurs en Europe, et vous obtenez déjà là un joli petit succès dont son leader et membre fondateur n’est pas peu fier, même si tout ça résulte d’un énorme travail en amont dans l’ombre, rien n’étant jamais acquis. Juste après le superbe show donné au festival breton du Motocultor cet été 2024 devant un parterre de fidèles bien fourni, nous avons fait le point avec le principal intéressé. [Entretien avec RxN (guitare/chant) par Seigneur Fred – Photos : Seigneur Fred & Morbidou]
On se retrouve une nouvelle fois à chaud après l’un des concerts de Rüyyn, non pas cette fois en salle dans un club (comme à Orléans où l’on avait d’ailleurs fait un live report début 2024), mais devant bien plus de monde puisque tu viens de te produire au festival Motocultor cet été 2024. Et il y avait beaucoup de spectateurs cet après-midi pour vous, même si pour la plupart, c’était une découverte. Qu’en penses-tu à chaud ? Perso, j’ai trouvé le concert tout simplement parfait… (sourires)
Merci. Alors, pour l’affluence, je ne saurais pas te dire exactement combien de personnes il y avait, mais en tout cas, oui, c’est la plus grande scène sur laquelle Ruÿyn a joué à ce jour. Et ça vraiment été extraordinaire, de pouvoir jouer dans ces conditions, devant un public nombreux, et surtout aussi réceptif. Quand j’ai vu l’affluence, ouah. Et oui, il y avait là beaucoup de gens qui nous découvraient, oui. Donc du monde, oui, comme tu dis, mais aussi la réception du public : je lève un bras par exemple, et tout le monde répond, enfin, c’est cool. C’est des trucs que tu vis, un super moment. Nous on est là pour passer un super moment ensemble, le groupe s’est éclaté sur scène, chacun d’entre nous a pris du plaisir, et le public aussi, donc ma réaction à chaud : c’était mortel !!
Rüyyn n’a pas encore joué au Hellfest, je crois, ce qui serait encore plus énorme et un niveau au-dessus ?!
Non, en effet. Mais pourquoi pas ? J’aimerai bien y jouer, pourquoi pas l’année prochaine ? On va travailler, et essayer de caser ça ! Si ce n’est pas en 2025, ce sera une autre fois. Il y a plein d’autres groupes, tu sais…
Quel bilan tires-tu de ce premier album Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury ? Quelles retombées justement à présent ?
Aujourd’hui Rüyyn, ça tourne, ça grossit, y’a une évolution depuis la sortie de l’album en fin d’année dernière, et tous les concerts que l’on a fait un peu partout…
Oui, il est vrai que vous avez donné de nombreux concerts à droite à gauche… C’est beaucoup de travail tout ça, même si l’on ne s’en rend pas toujours compte… On n’a rien sans rien de toute façon. Bref, vous ne chômez pas ?! (sourires)
Ouais, enfin même si ce n’est pas encore suffisant d’après moi… On n’en fait pas encore assez, et comme tu dis, on n’a rien sans rien. C’est vrai que les gars bossent énormément avec moi, et je les remercie d’ailleurs. Bon, ce sont des potes, faut dire. Je suis très privilégié de les avoir dans Rüyyn, ils donnent tellement… Mais bon, y’a que les gars du groupe qui s’en rendent compte réellement. Ce sont des potes et qui n’hésitent pas à donner un coup de main quand il faut. Mais je le rappelle, à la base, Rüyyn n’est qu’un one-man band, avec que moi qui fais tout. Ils sont vraiment dévoués, qui s’investissent, et pas des road stars qui arrivent, et demande un massage de leurs oreilles avant de commencer, non. (rires) Ils font plus que ce je leur demande de faire. C’est vraiment extraordinaire de partager tout cela avec ces gars-là. Tiens, par exemple, notre bassiste, Öberkommander666… Enfin il s’appelle Youenn. C’est un acteur assez connu sur la scène black metal, il est backliner et évolue dans différents groupes à côté (Ndlr : comme Les Chants de Nihil, Gotholocaust, Natremia…).
D’ailleurs ce n’était pas le même qu’en concert en tournée l’hiver dernier à Orléans ?!
Non, mais là aujourd’hui c’était justement le membre de base du groupe. (sourires) Il s’appelle Youenn. C’est un acteur assez connu sur la scène black metal, il est backliner et évolue dans différents groupes à côté (Ndlr : comme Les Chants de Nihil, Gotholocaust, Natremia…). Et c’est venu de lui, voilà, il m’a dit qu’il préférait confier son poste au bassiste de Lunar Tombfields, que tu avais alors vu à Orléans en concert (lire notre live report de Rüyyn à Orléans du 22/02/2024). Comme c’est un projet solo à la base, comme je le disais, forcément ça tournera au niveau du line-up. On va dire que le poste le plus attitré est celui du batteur, mister Äaerzerath, qui joue aussi dans Lunar Tombfields. Il est batteur dans d’autres groupes encore aussi, notamment dans Natremia par lequel on s’est tous rencontré en fin de compte. Si un jour on doit le remplacer ou en changer, ce serait vraiment alors un cas de force majeur et qu’on ne puisse pas faire autrement.
Et jouer par contre un jour sans batteur pour Rüyyn, mais avec une batterie programmée, ça serait envisageable ?
Jamais de la vie ! Cela n’aurait aucun sens pour moi. Mais pour certains, ça va très bien. Tiens, l’autre fois j’ai vu Fange en concert (Ndlr : groupe rennais de post sludge/death/indus metal), et il n’y a pas de batteur, et tout est programmé. C’était très bien ! Par exemple aussi, Dark Space, ça colle avec l’esprit de leur musique, leur ambiance, et c’est mortel ! Dans le cadre d’un projet black metal, personnellement, je ne conçois pas la musique sans batterie, avec un batteur.
Mais parfois, c’est difficile de trouver un batteur en black metal, et un bon batteur de préférence, qui plus est dans le black metal en France ! Ils sont très prisés. Comme en Scandinavie, en Norvège par exemple, un gars comme Frost (Satyricon, 1349…) est très sollicité… la solution alors est la boîte à rythmes, comme le fait par exemple daemon avec Limbonic Art depuis le départ, et c’est d’ailleurs redevenu un one-man band (lire notre récente interview de 2024 pour le dernier album ici)…
Alors je vais parler que pour la France, dans mon cas. Le truc est qu’en France, les bons batteurs, on les connaît quasiment tous déjà, sauf les petits nouveaux bien sûr qui arrivent. Et en fait, ils tournent et jouent généralement dans plusieurs formations, parfois cinq ou six groupes. Et la batterie, c’est vraiment le poste clé dans un groupe, c’est comme la fondation de ta maison : si tu n’as pas de bonnes fondations, ta maison elle s’écroule même si tu as les meilleurs maçons pour monter les murs et les meilleurs charpentiers… En fait, il n’y a pas de secret. Après, tu peux arriver à trouver des batteurs tout à fait corrects qui font le taf, mais quand tu veux vraiment faire quelque chose sérieusement, au bout d’un moment ça ne suffit plus. Et tu peux avoir les meilleures compositions du monde ou un super son, il te faut un super batteur.
Oui, outre le niveau technique d’un batteur et sa motivation, il faut aussi qu’il soit prêt à partir en tournée et jouer en live, et ça c’est une question aussi de disponibilités…
Ouais, question d’emploi du temps et organisation. Quand tu proposes en général à un musicien, en l’occurrence un batteur, de partir en tournée, ils sont plutôt partants, car c’est le but. Après, si bien sûr c’est une tournée avec de bonnes conditions pour tout le monde. Mais donc les bons batteurs sont très très pris…
Justement, en matière de concerts et tournées, quel est le programme pour la fin d’été et jusqu’à la fin d’année ?
Là, on a donc donné pas mal de concerts en France avec une petite tournée. On a été joué aussi en dehors, comme en Belgique par exemple. On y retourne en septembre d’ailleurs. Et après on va essayer de repartir en tournée européenne bientôt, mais ce sera certainement en 2025 à présent.
Vos collègues de Pénitence Onirique ont décroché une date en Autriche dans un festival en novembre prochain. Cela pourrait t’intéresser aussi avec Rüyyn ?
Ah oui, je vois ce que tu veux dire. Maintenant, ça me parait un peu short pour cet automne, mais pourquoi pas, après c’est une date isolée. Je préfère qu’on groupe les dates. Mais ce sera pour 2025 donc.
Avez-vous dû adapter votre setlist pour ce concert ici au Motocultor en condition de festival ?
On nous a dit en amont qu’il fallait un set de quarante-cinq minutes, ça tombe bien, j’avais un set de quarante-cinq minutes. Donc c’est cool. Tout l’album, entrecoupé de quelques samples entre deux morceaux, ce qui nous permet de souffler un peu et boire un coup, et tu rajoutes l’intro (d’environ deux minutes), et on arrive à quarante-cinq minutes. En général, on ne dépasse guère ce timing. Après tout dépend si notre batteur a décidé d’accélérer le jeu ou pas en live… (rires)
Et jouer en plein jour, comme ça, l’après-midi sur une scène en plein air, c’est pas toujours l’idéal pour un groupe de black metal où l’on préfère généralement l’obscurité…
Non, j’ai pas forcément de besoin de jouer la nuit. Jouer déjà ici, devant tant de monde, à une heure d’affluence, sur une grande scène, franchement, c’est super. Et le soir, tu ne vois pas trop ton public, juste les premiers rangs. Là, en plein après-midi, les gens étaient plutôt très réceptifs, je trouve, et on voyait donc bien tout le public. Et là, tu te dis : « ouahh ! ». Il y a du monde, va falloir assurer, et c’est super motivant. Alors je vais te dire, jouer en plein jour, j’en ai rien à faire qu’il fasse nuit ou jour. Et puis en plus, on a des visuels qui passent bien en jour, ça rend bien en plein jour. De toute façon, on n’a pas les corpse paints habituels du black metal noir & blanc uniquement, donc tant mieux, sinon ça ferait chier, en effet.
En matière de son, là encore, c’était très bon aujourd’hui pour Rüyyn aujourd’hui au Motocultor ? (sourires)
C’était notre première avec notre ingé son, Mathéo, qui a fait la résidence avec nous et qui est un mec super. Il nous suit désormais. En fait, tu l’avais déjà vu à Orléans. Il est hyper motivé, adore ce que l’on fait, avec qui on s’entend super bien. Je suis ravi de l’avoir, et de pouvoir constitué une telle équipe. C’est vraiment très stimulant tout ça.
Revenons au premier album et dernier en date Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury… On évoquait son bilan tout à l’heure. Mais quelles sont les premières retombées notamment financières au niveau du merchandising et la distribution de l’album même si l’on sait que les artistes ne vendent plus d’albums ?
Eh bien, au bilan des ventes, c’est bien simple : à chaque concert que l’on fait, on vend énormément. La plupart des gens ne nous connaissent pas et nous découvrent, mais semblent conquis. On ne va pas d’en plaindre si l’on peut gagner un peu d’argent, ou du moins pas trop en perdre ! (rires) Tiens, comme anecdote, je vais te donner un exemple, et on va finir par être abonné à cette salle à force, à Bordeaux, il s’agit du Salem. On y a joué un an après la sortie de notre EP, mais là c’était lors des premières dates pour défendre l’album Chapter II. Et un des organisateurs de la salle est venu nous voir après le concert, et il m’a dit que c’était, a priori, la première fois qu’il y avait autant de monde à faire la queue au stand de merchandising. Il n’avait jamais vu ça, sachant qu’on y avait joué auparavant une fois avec Grima. Et en fait, c’est ça à chacun de nos concerts. Donc les ventes que je vois au quotidien en réel, c’est plutôt super cool. Et je salue le travail du label, et des organisateurs de concerts.
Cela doit faire plaisir de commencer à récolter les fruits du succès alors ?
Oui, clairement. Ça fait plaisir. Enfin c’est une reconnaissance, disons. Cela me ferait chier de rien n’avoir en retour par rapport à tout l’investissement que l’on donne, le temps passé, et mon argent mis dedans. J’ai sacrifié tellement de choses dans ma vie pour en arriver là aujourd’hui. Le projet grandit, comme déjà dit, et tant mieux.
As-tu eu d’autres remarques que la mienne à propos de l’artwork de Chapter II qui représente une citée en feux et à sang, et qui m’avait fortement fait penser à celui de l’album culte de Celtic Frost : Into The Pandemonium quand on en avait parlé à sa sortie fin 2023 ?
Eh bien, étrangement non. Tu as été le seul. C’est vrai que ça peut faire penser à ce fameux tableau d’Into The Pandemonium. Mais en fait c’est inspiré par tous ses tableaux sur l’apocalypse d’une certaine façon. L’auteure de l’artwork est Joanna Maeyens (Cercle du Chêne, Tour d’Ivoire). Nos artistes français ont du talent, comme on dit ! (sourires)
Au fait, possèdes-tu d’autres projets en parallèle de Rüyyn ?
Non, ma priorité, mon bébé, c’est Rüyyn pour le moment. Je ne compose pas en dehors pour autre chose. Les autres gars du groupe, oui. Et avec Lunar Tombfields, je suis là juste pour les accompagner, jouer comme musicien de session, prendre du bon temps mais je ne fais rien d’autre. C’est le bébé de Mathieu et Azh de fort belle manière.
Tu as parlé de Lunar Tombfields à plusieurs reprises. Une tournée commune Rüyyn / Lunar Tombfields serait-elle envisageable pour toi ou ce serait trop pour les musiciens en commun et peut-être pas si intéressant pour le public ?
Hum… ça me paraît un peu compliqué. Et puis il faudrait arriver à se mettre d’accord pour savoir qui jouerait en tête d’affiche. (rires) Après, si on devait faire ça un jour, on le ferait. Mais je ne suis pas hyper friand personnellement de jouer deux fois de suite. Une fois que j’aurai joué pour l’un, je ne sais pas si je pourrai redonner autant car je donne tout, donc difficile de refaire après. J’ai déjà fait ce genre de choses mais j’ai remarqué que j’étais moins performant et impliqué dans le concert suivant.
Enfin, pour Rüyyn, à quand un Chapter III pour donner une suite à l’EP et ce premier album, sachant que l’histoire de The Flames, the Fallen, the Fury était en fait une sorte de préquel à l’EP si je me souviens bien ? (rires)
Oui, c’est ça. Alors le troisième chapitre sera un album. Et il est en cours d’écriture. (sourires) Ce sera encore quelque chose de différent… Mais vous verrez
Plus progressif peut-être ?
Hum… Vous verrez… (sourires) ça restera du Rüyyn, c’est-à-dire du black metal inspiré par les années 90, et début de la période des années 2000. Mais il y aura d’autres éléments que je vais ajouter et que j’ai envie d’intégrer. Ce sera assez inédit, mais bon, c’est une prise de risque. Après, c’est ça aussi l’art, prendre des risques, y compris dans la musique. Je ne sais pas encore quand ça sortira, ni où, peut-être sur Les Acteurs de l’Ombre Productions. Je n’ai pas d’idée fixe même si je suis très bien chez Les Acteurs. On verra par la suite. Si d’autres labels sont intéressés, je ne suis pas fermé à autre chose. Côté instruments, la batterie sera assurée par AzH, et je reste le producteur et compositeur principal. Mais j’ai vu mes limites sur l’enregistrement de l’album, donc je ne sais pas si côté ingé son, je ne ferai pas appel à quelqu’un d’autre, car Chapter II a été fait dans la douleur. Quand je réécouté l’album, je ne suis pas satisfait même si tout le monde m’a dit que c’était super bien produit, et toi d’ailleurs, mais les lauriers, non très peu pour moi. En général, quand j’écris une chanson, je m’accorde un peu de recul, et si ça va, je garde, si j’ai le moindre doute, je jette. Et je connais mes limites en tant que compositeur, et musicien, je peux toujours faire mieux. Mais côté production sonore, là, non, j’ai vu mes limites donc on verra. (sourires)
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